Ingrid Betancourt a déclenché vendredi une nouvelle polémique autour de sa personne en Colombie, après avoir déposé une requête dans laquelle elle exige de l'Etat 6,5 millions de dollars de réparation pour son enlèvement par les Farc, estimant que sa sécurité a été négligée.

L'ex-candidate à l'élection présidentielle en Colombie, enlevée en pleine campagne en février 2002 et otage de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes) jusqu'à sa libération le 2 juillet 2008 lors d'une opération militaire, a déposé cette requête le 30 juin, a annoncé vendredi le ministère de la Défense.

Deux jours plus tard, elle avait participé à une cérémonie officielle au ministère de la Défense, en hommage aux soldats qui avaient participé à l'opération «Jaque», durant laquelle quinze des plus précieux otages de la guérilla avaient été libérés.

Elle avait alors évoqué «l'héroïsme» des militaires et même exprimé son soutien à ce type d'opération, mais sur cette demande, elle n'avait rien dit.

Les autorités militaires présentes se sont également tues jusqu'à vendredi, lorsque l'information a été révélée par la presse locale.

Selon le ministère de la Défense, la requête appelle le gouvernement à accepter une conciliation extrajudiciaire avant que l'ex-otage ne saisisse la justice administrative pour les dommages économiques et moraux subis par elle, ses enfants Mélanie et Lorenzo Delloye, sa mère Yolanda Pulecio et sa soeur Astrid, soit 12,5 milliards de pesos colombiens (environ 6,5 millions de dollars).

Selon Radio Caracol, qui a pu se procurer la requête de 55 pages, Ingrid Betancourt considère que les membres des forces de l'ordre en charge de sa sécurité dans le département de Caqueta (sud-est), où elle a été enlevée, sont responsables de son enlèvement.

Selon elle, plusieurs militaires en charge de sa sécurité lui avaient garanti, le 23 février, jour de son enlèvement, qu'elle ne courait pas de risque sur la route empruntée.

L'ex-sénatrice franco-colombienne de 48 ans réclame de ce fait une indemnisation couvrant les dommages psychologiques entraînés par ses six ans de captivité, mais aussi le tort causé à son père, mort pendant celle-ci ou encore le manque à gagner lié à l'absence de salaire pendant son enlèvement.

Face à cette requête, le ministère de la Défense a fait part de sa «surprise» et de son «chagrin», soulignant l'effort déployé pour la planification et l'exécution de l'opération «Jaque», «durant laquelle des femmes et des hommes ont risqué leur vie afin de sauver les otages», une opération que Mme Betancourt elle-même avait jugée «parfaite».

Le ministère déclare en outre que l'ex-otage a passé outre les recommandations des forces de l'ordre qui, avec «insistance», avaient tenté de la dissuader de se rendre à San Vicente del Caguan (département de Caqueta), voyage terrestre durant lequel elle a été enlevée.

Il estime enfin que la requête, sans précédent en Colombie, n'a pas de fondement «objectif», laissant ainsi entendre qu'il n'y fera pas droit.

La demande a soulevé dans le pays un vent de critiques provenant de tous les secteurs de la société. Le vice-président Francisco Santos a ainsi évoqué un «coup de poignard», tandis que le sénateur Gustavo Petro (Pôle démocratique alternatif, gauche), ex-candidat à la présidentielle, jugeait qu'elle était «injuste» car les Farc étaient les véritables responsables de l'enlèvement.

Ingrid Betancourt, qui publiera en septembre un livre sur son enlèvement, «Même le silence a une fin», ne s'est pour sa part pas exprimée.

Son avocat en Colombie, que l'AFP a tenté de joindre à plusieurs reprises, n'a pas répondu à ces appels.