Le Mexique renouvelle dimanche l'appareil politique de près de la moitié des États de sa République fédérale, un scrutin déjà ensanglanté par des meurtres attribués aux cartels de la drogue, à deux ans d'une présidentielle à grand risque pour le pouvoir en place.

L'élection des gouverneurs de 12 des 31 États du pays constitue un test pour le président Felipe Calderon et son Parti d'action nationale (PAN, conservateur), déjà battus aux législatives de 2009 par le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre-gauche), dont c'était le grand retour.

Le PRI, au pouvoir au Mexique de 1928 à décembre 2000 avant de céder la place au PAN, et qui détient déjà 10 des 12 postes de gouverneurs à renouveler dimanche, se pose en favori de la présidentielle, à laquelle la Constitution interdit à M. Calderon de se représenter.

L'ombre des cartels de la drogue a plané comme jamais sur la campagne électorale. Leur influence sur toutes les élections mexicaines et les milieux politiques en général est dénoncée de longue date, mais elle n'avait jamais été aussi sanglante.

L'image de la Colombie s'impose, où les cartels avaient assassiné trois candidats à la présidentielle de 1990.

Le 28 juin, des inconnus ont assassiné Rodolfo Torre, candidat du PRI et favori pour le poste de gouverneur dans l'État de Tamaulipas, situé au nord-est du pays, à la frontière avec l'État américain du Texas. Il a été abattu avec quatre de ses collaborateurs.

Deux maires et un candidat à une mairie avaient déjà été assassinés depuis février dans le Tamaulipas et l'État de Chihuahua, lui aussi à la frontière avec les États-Unis.

«Ces meurtres sont autant d'avertissements des cartels aux partis politiques, ainsi qu'aux électeurs pour orienter leur vote, mais aussi au président Calderon, qui les a défiés en érigeant la lutte contre le «crime organisé» en priorité nationale dès son arrivée au pouvoir en décembre 2006», estime un diplomate étranger en poste à Mexico.

M. Calderon est visé en outre par l'opposition, qui dénonce l'échec de sa stratégie contre les cartels: 23 000 morts ont été enregistrés depuis décembre 2006, malgré le déploiement massif de 50 000 militaires en renfort de la police, et les trafiquants n'ont jamais été aussi menaçants.

Le scrutin de dimanche sera révélateur de la confiance du pays en cette politique, juge le diplomate.

«Il y aura une abstention élevée, surtout dans les régions de forte présence du crime organisé», pronostique pour sa part René Jimenez, chercheur à l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM) et spécialisé dans la violence sociale.

«Les cartels ont besoin de s'assurer la bienveillance des responsables politiques locaux, sinon nationaux, dans la guerre qu'ils se livrent entre gangs pour le contrôle du trafic sur place et à destination des États-Unis», premier client mondial de la cocaïne, explique encore le diplomate.

Dans l'État de Tamaulipas, par exemple, où le gang des «Zetas» occupe ouvertement les rues d'une grande ville, contrôlant par exemple l'identité des journalistes de passage, «on ne voit que des affiches électorales du PRI», témoigne un reporter étranger.

Et le PAN a annoncé qu'il renonçait à poursuivre sa campagne sur le terrain le jour même de l'assassinat du candidat gouverneur du PRI.