Le président socialiste Hugo Chavez a déclaré une «guerre» à la bourgeoisie vénézuélienne, expropriant terres agricoles et commerces ou augmentant le contrôle sur le marché des changes, en vue de gagner les élections législatives de septembre, selon des analystes.

Faisant fi d'un PIB en chute de 5,8% au premier trimestre, Chavez clame que le «salut du peuple» réside dans le socialisme et a exproprié des compagnies taxées de spéculatrices, comme les hypermarchés Exito, filiale du français Casino, ou le groupe alimentaire Monaca, appartenant au mexicain Gruma.

Il a également renforcé la mainmise gouvernementale sur l'allocation de dollars. Alors que l'État fixe déjà le taux de change et gère la distribution de devises depuis 2003, il a placé sous contrôle de la Banque centrale le marché parallèle du dollar, illégal mais toléré.

Les cours y avaient explosé devant l'afflux de demande, provoqué par la restriction de l'allocation de devises sur le marché officiel, en raison de la baisse du prix du pétrole, principale source de devises du pays.

Les experts redoutent que cela n'assèche l'offre de dollar parallèle, qui est utilisé pour 40% des importations dans ce pays très dépendant de l'extérieur en matière alimentaire, et ne dope encore l'inflation, qui a atteint le niveau record de 31,2% sur les douze derniers mois.

L'insécurité -140 homicides pour 100.000 habitants à Caracas en 2009-, les coupures de courant à répétition et les pénuries récurrentes de produits de base ont aussi contribué à faire baisser la popularité de Chavez à son niveau le plus bas depuis 10 ans en février (43%).

Mais elle est depuis remontée grâce à une «stratégie agressive de communication» et la désignation de «boucs émissaires qui le dédouanent de sa responsabilité dans les graves problèmes économiques du pays», selon Luis Vicente Leon, responsable de Datanalisis.

«Chavez crée une menace, il cherche toujours un ennemi et se présente comme le défenseur des gens. Maintenant, les ennemis sont la bourgeoisie et l'entreprise privée» estime José Vicente Carrasquero, professeur de sciences politique à l'Université centrale du Venezuela (UCV).

Le président, victime d'un putsch qui l'avait écarté deux jours du pouvoir en 2002, a notamment a menacé ceux qui voudraient le renverser par la force. «Qu'ils n'y pensent même pas, car la révolution pourrait changer de visage», a-t-il prévenu.

«Chavez avance vers un contrôle de la société, pas seulement de l'État. Son objectif est que tout dépende de lui: la concession de dollars, la distribution d'aliments ou l'éducation», dénonce Alexander Luzardo, docteur en droit politique.

«C'est un projet totalitaire qui avance par étapes et l'une d'elles est les élections», ajoute cet ancien responsable de la campagne qui porta Chavez au pouvoir fin 1998.

Pour poursuivre sa révolution socialiste, le chef de file de la gauche radicale latino-américaine veut remporter au moins deux tiers des sièges de l'Assemblée nationale, contrôlée actuellement par le pouvoir, en raison du boycott de l'opposition en 2005.

«Si la bourgeoisie obtient la majorité, ce sera un vrai désastre», a-t-il affirmé.

Pour l'institut Datanalisis, le pouvoir et l'opposition sont au coude-à-coude dans les intentions de vote, mais le chef de l'État a déjà réussi à retourner des situations mal engagées grâce à son charisme en campagne.

«Ce sont des élections législatives, mais les candidats passent au second plan. La campagne se focalise sur lui. C'est Superman», estime Luzardo.