Les autorités jamaïcaines promettent d'enquêter sur d'éventuels excès des forces de l'ordre dans les combats des derniers jours contre les gangs qui ont fait au moins 60 morts, alors que le parrain présumé de la pègre à l'origine des violences reste introuvable.

Deux responsables indépendants, désignés par les autorités pour enquêter sur les affrontements, ont confirmé mercredi la mort d'au moins 44 civils depuis l'assaut donné lundi par la police contre le fief du narcotrafiquant présumé Christopher «Dudus» Coke. Celui-ci fait l'objet d'un mandat d'arrêt depuis jeudi dernier, en vue de son extradition vers les États-Unis.

Auparavant, des sources hospitalières avaient annoncé à l'AFP qu'une «cinquantaine» de corps avaient été amenés mardi à bord de deux camions à la morgue de l'hôpital public de Kingston. Une journaliste de l'AFP a en outre constaté l'arrivée des corps de 12 civils, dont un bébé, dans un troisième camion, portant le bilan à plus de 60 morts.

Les violences ont été déclenchées par la décision du gouvernement d'arrêter «Dudus», 42 ans, chef présumé du gang Shower Posse, considéré comme la plus importante organisation de trafic de drogue et d'armes de ce pays anglophone.

Mercredi, les coups de feu résonnaient moins nombreux du côté de Tivoli Gardens, le fief de «Dudus». Le gouvernement avait proclamé dimanche l'état d'urgence après que les gangs eurent attaqué commissariats et policiers.

Des soldats lourdement armés patrouillaient dans les rues et procédaient à des arrestations. Les autorités ont indiqué avoir interpellé 500 personnes, mais pas celui qu'elles recherchent en priorité, «Dudus».

Interrogé lors d'une conférence de presse pour savoir s'il était toujours à Kingston, ou même en Jamaïque, le porte-parole de la police Karl Angell s'est contenté de répondre: «dès que la police le saura, nous pourrons en parler».

Washington présente «Dudus» comme l'un des plus dangereux narcotrafiquants de la planète, mais le Jamaïcain passe pour un Robin des bois auprès des défavorisés.

Le premier ministre jamaïcain Bruce Golding a promis d'enquêter sur les violences, assurant que «le gouvernement regrette profondément la mort de membres des forces de l'ordre et de citoyens honnêtes et innocents».

Le maire de Kingston, Desmond McKenzie, a fait état de son côté de plaintes émanant de la population accusant les forces de l'ordre de «harcèlement». «Ces gens ont aussi des droits», a-t-il souligné à la télévision jamaïcaine. «Ils ont faim. Beaucoup n'ont pas eu un repas digne de ce nom depuis dimanche».

La Croix-Rouge jamaïcaine a indiqué qu'elle allait commencer à distribuer des rations alimentaires dans la zone.

La police a conseillé à la population de rester chez elle, et les écoles devaient rester fermées mercredi pour le troisième jour consécutif.

Les conséquences de ces affrontements pourraient s'avérer désastreuses pour cette île pauvre de 2,8 millions d'habitants, berceau du reggae et terre natale de Bob Marley, réputée pour ses plages idylliques et largement dépendante du tourisme.

Inquiètes de l'évolution de la situation, les instances chargées des compétitions de cricket dans les Caraïbes ont annoncé mercredi que des matchs programmés en juin en Jamaïque auraient lieu à Trinité-et-Tobago.

La France, la Grande-Bretagne, le Canada, la Chine et les États-Unis ont d'ores et déjà mis en garde leurs concitoyens contre des voyages dans ce pays où chaque année, 1700 meurtres sont recensés.