En Argentine, le gouvernement autorisera les écoles à diffuser les matchs de la Coupe du Monde de soccer... pour lutter contre l'absentéisme. Même dans ce pays qui vit au rythme du ballon rond, la décision soulève la controverse, nous explique notre correspondant.

Avec l'argument officiel de lutter contre l'absentéisme scolaire, le ministère de l'Éducation a tranché. En juin, les matchs du Mondial d'Afrique du Sud auxquels participe l'équipe argentine pourront être diffusés dans les écoles primaires et au collège.

 

Chaque établissement garde cependant sa liberté d'action. «Pour les Argentins, le Mondial est une manifestation culturelle très important. Il s'agit de l'assumer et de l'utiliser à des fins pédagogiques», a expliqué Alberto Sileoni, ministre de l'Éducation.

Sous sa barbichette grisonnante, Diego Maradona est lui aussi catégorique: «C'est la meilleure solution pour que les enfants ne manquent pas à l'appel.» L'actuel entraîneur de l'équipe argentine a récemment présenté, avec le ministre argentin de l'Éducation, un manuel de 36 pages pour travailler en classe les aspects culturels et géographiques du Mondial.

«La Coupe du monde est la fête de l'internationalisme, parfois liée au chauvinisme», avertit la préface du fascicule. «Cherchez dans les livres d'histoire qui furent Nelson Mandela, Steve Biko, Frederik De Klerk et Desmond Tutu», propose plus loin un chapitre consacré à l'Afrique du Sud et à l'apartheid.

«C'est une bonne chose de légitimer le soccer à l'école. Mais il est difficile d'imaginer que le Mondial puisse avoir des effets pédagogiques transcendants. La communion entre les Argentins est une expérience qui vaut la peine en soi et n'a pas besoin de justification pédagogique», estime Emilio Tenti Fanfani. Le sociologue spécialiste de l'éducation remarque que «la société argentine est inégalitaire et polarisée. Elle a peu d'occasions comme celle-là de partager des émotions de manière collective et massive».

Comme le premier match de l'Argentine a lieu un samedi, la mesure concerne d'abord les deux autres matchs de poule de l'Albiceleste, contre la Corée du Sud et la Grèce.

«Si l'Argentine est en demi-finale, cela peut stimuler l'identité nationale. Mais pour les premiers matchs, ce serait mieux que l'élève assume sa responsabilité s'il décide de manquer les cours, car imposer une sanction, c'est aussi une manière d'éduquer», fait valoir dans le quotidien La Nación la directrice du programme de maîtrise en éducation de l'Université de San Andrés, Silvina Gvirtz.

Professeure d'éducation civique dans deux collèges de la province de Buenos Aires, Veronica Huergo n'est pas très emballée par la décision du gouvernement d'autoriser la diffusion des matchs. La jeune enseignante de 29 ans valorise néanmoins cette «expérience pour les élèves et professeurs de partager quelque chose de différent» qui va au-delà du lien hiérarchique.

Victor Hugo Morales, plus célèbre commentateur sportif argentin, acquiesce. «L'écoute du Mondial 1954 d'un poste de radio installé à l'école reste l'un de mes plus beaux souvenirs», affirme-t-il.