Le président socialiste équatorien Rafael Correa affronte depuis plusieurs semaines la fronde des communautés autochtones de son pays, déterminés à bloquer un projet de loi qui privatiserait selon eux la gestion de l'eau, source de vie de leur «mère terre», jusque-là gratuite.

Le vote de la loi, qui devait en principe intervenir jeudi au Congrès, a été suspendu in extremis, mardi soir, par un arrêt de la Cour constitutionnelle, imposant la consultation de ces communautés, a annoncé le vice-ministre des peuples (en charge de la question indigène) Orlando Perez, mercredi.

Selon le ministre, la Cour s'est prononcée après avoir examiné une «requête citoyenne», dont on ignore si elle a été déposée par une organisation indigène ou si elle a servi de prétexte pour désamorcer un conflit qui menaçait de se durcir.

En février, les organisations représentant les indiens d'Equateur, en particulier la Confédération des nationalités autochtones (Conaie) avaient appelé au «soulèvement» contre le gouvernement.

Le 4 mai, des milliers d'indiens ont assiégé le Parlement pendant plusieurs heures, empêchant les élus qui examinaient le texte en seconde lecture d'en sortir.

Les manifestations se sont poursuivies dans la capitale dans les jours qui ont suivi et se sont étendues au reste du pays, où depuis lundi des blocages de routes ont été rapportés dans le sud et le nord.

Juan Imbaquimbo, est ainsi arrivé début mai dans la capitale avec 300 autres habitants de Cayambe, localité située dans la cordillère des Andes, pour défendre son droit à l'eau.

«Nous, nous soignons les terres, nous semons pour éviter que les sources ne s'assèchent et en plus on veut nous faire payer», explique à l'AFP ce paysan de 39 ans. Sa communauté, explique-t-il, administre collectivement l'eau, en organisant l'irrigation ou encore la réparation des canalisations, moyennant un financement de 40 dollars par mois.

Avec la loi en projet le gouvernement prétend «privatiser» l'eau, qui deviendra payante, et favoriser les entreprises hydroélectriques et minières pour qu'elles aient un accès sans limites à cette ressource naturelle, accuse cet homme et plusieurs puissantes organisations indigènes.

Les indiens assurent que la Constitution oblige le gouvernement à les consulter et affirment qu'ils sont déjà désavantagés, car seulement 33% d'entre eux ont accès à de l'eau potable.

Le projet touche en outre à une croyance profonde de ces communautés en symbiose avec la nature, pour lesquelles l'eau est le «sang» de la Pacha Mama (mère terre), source de vie.

Face à leurs revendications, Rafael Correa est resté ferme. Son gouvernement a tenté de convaincre qu'il cherche uniquement à abolir les «inégalités» d'accès à l'eau et «la mainmise sur les concessions».

«Nous ne céderons pas aux pressions d'un groupe», a déclaré le chef de l'État socialiste mardi.

«Ne nous laissons pas imposer les caprices et les abus d'une poignée d'insensés», a-t-il ajouté alors que M. Perez accusait l'opposition de droite d'instrumentaliser les indigènes pour tenter de le «renverser».

Après l'arrêt de la Cour, le projet gouvernemental est repoussé de plusieurs mois selon le ministre des peuples Orlando Perez, le temps que le Parlement puisse consulter les indiens.

Les indiens représenteraient selon leurs dirigeants 35% de la population équatorienne (14,2 millions de personnes).