Manuel Antonio Noriega, ancien homme fort du Panama que Washington a extradé lundi vers la France, est un ex-militaire sans scrupules qui a collaboré longtemps avec les États-Unis avant de devenir l'une de leurs bêtes noires.

En septembre 2007, Noriega a fini de purger 17 ans de réclusion aux États-Unis pour trafic de drogue et blanchiment d'argent. Mais il restait en prison depuis cette date, la France demandant son extradition après l'avoir condamné par défaut en 1999 pour blanchiment d'argent à 10 ans d'emprisonnement et une amende de 11,2 millions d'euros.

Né à Panama dans une famille pauvre d'origine colombienne, Noriega, petit, trapu et au visage marqué par le temps, voulait devenir psychiatre. Après y avoir renoncé pour des raisons financières, l'homme, âgé de 74 ans selon des documents judiciaires, s'engage dans l'armée et entame sa carrière comme sous-lieutenant.

Ayant participé en 1968 au coup d'État militaire contre le président Arnulfo Arias, il commence son ascension vers le pouvoir l'année suivante en défendant le général Omar Torrijos contre une tentative de renversement. Devenu un des proches du dictateur, il est promu à la tête des services de renseignement.

Noriega entre alors naturellement en contact avec les services secrets américains, très présents au Panama pour la surveillance du canal. Il devient leur informateur régulier, touchant plus de 320 000 dollars jusqu'en 1986 pour prix de ses services.

Accusé au début des années 1970 de complicité dans le trafic de drogue entre l'Amérique latine et les États-Unis, et critiqué pour ses méthodes expéditives contre l'opposition, Noriega démontre son habileté en se maintenant au pouvoir pendant près de 20 ans.

Dès 1972, des projets circulent au sein de l'administration américaine pour éliminer cet allié encombrant. Mais le président Richard Nixon y renonce au dernier moment.

Au début des années 1980, Manuel Noriega se forge une solide réputation d'homme le plus craint du Panama. Après la mort du général Torrijos dans un mystérieux accident d'avion en 1981, il devient l'homme fort du pays, avec le grade de général et le titre de commandant en chef de la Garde nationale.

La répression s'intensifie et les Américains commencent à le lâcher. En 1986, une fuite des services de renseignement militaire américains permet au New York Times de mettre en cause Noriega dans l'assassinat, deux ans plus tôt, d'un de ses opposants dont le corps avait été retrouvé décapité.

Un nouveau coup de boutoir est donné en 1987 par un de ses anciens chefs d'état-major qui l'accuse de corruption, de fraude électorale et d'être responsable de l'accident d'avion qui avait coûté la vie au général Torrijos.

Même si Noriega conserve un soutien populaire certain, ces accusations déclenchent des manifestations monstres au Panama et poussent le Sénat américain à lui demander d'abandonner ses fonctions en attendant le résultat d'une enquête.

Il s'accroche et défie les États-Unis, où il est inculpé en 1988 pour complicité de trafic de drogue. Il est accusé notamment d'avoir transformé le Panama en plaque tournante et en centre de blanchiment d'argent en échange de millions de dollars de pots-de-vin du cartel colombien de Medellin.

Il démet le président Eric Delvalle, qui avait tenté de le destituer, ignore les sanctions économiques américaines, en appelle au peuple en inaugurant une rhétorique tiers-mondiste, avant d'annuler les résultats d'une nouvelle élection présidentielle remportée par l'opposition.

Le 20 décembre 1989, l'armée américaine envahit le petit État d'Amérique centrale au cours de l'opération «Juste Cause». Le général, réfugié à la nonciature, tient deux semaines avant de se rendre.