Hommes ou femmes, petits et grands, tous les Cubains sont emportés cette semaine par la fièvre du baseball, une épidémie nationale qui leur fait oublier rationnement d'électricité, carences sur les marchés ou leur programme de télévision préféré.

La finale du championnat a débuté mardi soir entre l'équipe en maillot orange de la province de Villa Clara (centre) et celle en bleu des Industriels de La Havane. La première qui gagnera quatre parties sera sacrée championne et aura droit à tous les honneurs dans cette île des Caraïbes de 11,3 millions d'habitants.

«Pendant une semaine il n'y aura plus de problèmes, les gens vont tout oublier ; les restrictions, les difficultés de transport, les files d'attente, tout sera oublié», lance Fausto Dominguez, 55 ans, employé d'un hôtel de la Vieille Havane qui est bien sûr un supporteur des Industriels.

Le sport national est désormais à l'honneur à la télévision - qui a annulé la programmation d'un téléroman brésilien très populaire auprès des Cubains - et dans toutes les conversations.

Dans les rues, hommes, femmes ou enfants ont revêtu des maillots aux couleurs de leur équipe.

Même les médias cubains ont semblé mettre en sourdine - le temps aussi aidant - leur offensive contre «la campagne de diffamation» déclenchée selon eux contre l'île communiste en Europe après la mort controversée fin février d'un prisonnier politique en grève de la faim.

Pour les Cubains, le baseball est plus qu'un sport, c'est une passion qui fait partie du vocabulaire de la vie quotidienne.

On dit par exemple de quelqu'un surpris en flagrant délit d'adultère qu'il «a été attrapé en train de voler un but».

«Je vais terminer de travailler plus tôt, acheter ma bouteille (de rhum), manger et à 20H30 je m'installerai devant le téléviseur avec les copains du quartier», dit Victor Ortega, un maçon havanais de 38 ans : les deux premières parties ont lieu à Santa Clara (270 km à l'est de La Havane), là où repose le commandant révolutionnaire argentin Ernesto Che Guevara.

Dans les rues de La Havane, les transistors vont aussi cracher à plein volume pour ceux qui comme Gilberto, un gardien de nuit commençant à travailler à 19H00, ne peuvent suivre la partie devant leur téléviseur.

«J'aime bien écouter la partie à la radio. Les commentateurs décrivent la partie de façon très expressive et je peux très bien imaginer toute la tension, toute l'atmosphère de la partie», dit cet autre partisan des Industriels.

L'organe officiel du Parti communiste, Granma, va transmettre les résultats manche après manche sur son site Internet pour les 40 000 coopérants cubains à l'étranger, essentiellement des médecins.

Mais aussi pour les 1,5 million de Cubains qui vivent désormais - pour des raisons économiques ou politiques - dans l'autre grand pays du baseball, les États-Unis. Cet «empire» du dollar, dont la riche ligue professionnelle a «volé» tant de grands joueurs cubains ayant fui leur île pour devenir richissimes.

Sur l'île communiste, soumise à un embargo américain depuis près d'un demi-siècle, les joueurs de la ligue nationale, qui compte 16 équipes, sont des maçons, éducateurs ou journalistes payés comme tout le monde environ 20 dollars par mois par leur employeur qui accepte de libérer ces héros du stade le temps de la saison des jeux.