À 3h34 dans le quartier Bellavista, la porte du restaurant où travaille Ignacio se met à trembler. «J'ai immédiatement pensé à un «temblor», dit-il.

«Nous nous sommes levés, ma copine et moi, et tenus dans l'embrasure de la porte, pour attendre que ça passe. Au bout de trente secondes, les secousses sont devenues très violentes et les lumières se sont toutes éteintes. Les voitures stationnées devant nous s'entrechoquaient, et se soulevaient de dix centimètres.»

«Ma copine, Française, n'ayant jamais vécu de tremblement de terre, ne comprenait pas ce qu'il se passait et gardait les yeux fermés, tout en s'agrippant à moi. Moi-même, j'avais l'impression que la porte allait finir par nous tomber dessus. Deux minutes, c'est une éternité dans ce cas-là» dit-il.

Au bar où travaillait Gonzalo, dans la même rue, les gens sont tous sortis en courant, paniqués. «Ils sont partis sans payer, en laissant leurs vestes, paquets de cigarettes et consommations sur les tables», dit-il.

Jorge, lui, était dans sa maison à San Bernardo, quartier populaire de Santiago, avec sa femme et son petit garçon. «En 1985, le seul autre grand tremblement de terre que j'ai vécu, j'étais resté immobile, sans savoir quoi faire. Maintenant que j'ai une famille, hors de question de s'égarer, j'ai uniquement pensé à protéger mon enfant et ma femme, à les amener dans la rue, car ma maison, trop vieille, risquait de s'écrouler», explique-t-il.

A Nuñoa, quartier de classe moyenne, Pilar et Juan José allaient s'endormir, quand arrivèrent les premières secousses. «J'étais tellement paniquée que je ne trouvais pas la clé pour ouvrir la porte d'entrée, on était coincés dedans», se souvient Pilar. À ce moment est arrivée sa colocataire, Carolina, qui rentrait d'un concert et ouvrait justement la grille. «L'eau de la piscine formait des vagues qui sortaient du bassin», se souvient-t-elle.

Pour ceux, comme Ignacio, qui ont ensuite dû rentrer à pied chez eux, a commencé une autre aventure. «Il n'y avait plus aucun bus ni taxi, bien sûr, et nous avons dû marcher une heure et demi dans le noir total, sur les trottoirs déformés. Certaines rues étaient impossibles à traverser, car aucun feu rouge ne marchait, et les voitures ne pouvaient pas nous voir», raconte-t-il.

«On a tous passé la nuit dehors ensuite, n'osant plus rentrer par peur des répliques. Partout dans Santiago, les gens ont sorti des matelas et des couvertures, et se sont installés dans les pelouses pour la nuit», dit Carolina.

Olga, quant à elle, a de trop mauvais souvenirs des tremblements de terre de 1960 et de 1985. Elle refuse de dormir sous un toit tant que les répliques ne seront pas terminées. «Pour l'instant, je préfère dormir dans mon jardin. Et de toute manière, dans la maison, il n'y a pour l'instant ni électricité ni eau courante.»