Le bilan du séisme qui a dévasté le Chili samedi s'est alourdi, hier, tandis que les secouristes tentaient de venir en aide aux blessés et aux sinistrés.

Au tremblement de terre de 8,8 sur l'échelle de Richter se sont ajoutées des répliques qui ont compliqué encore davantage le travail des autorités. Si bien que le gouvernement a lancé un appel à l'aide en milieu de journée.

Après l'un des plus violents tremblements de terre jamais enregistrés dans le pays côtier, la présidente Michelle Bachelet craint que la tragédie ne gagne encore en ampleur: plus de 1,5 million de Chiliens sont sinistrés, autant de maisons sont endommagées.

«Nous sommes confrontés à une catastrophe d'une magnitude tellement impensable qu'il faudra un effort énorme» pour rebâtir le pays, a déclaré la présidente au terme d'une réunion de six heures avec les services de secours.

Elle a lancé un appel à l'aide à la communauté internationale, précisant que le Chili a un urgent besoin d'hôpitaux d'urgence, de génératrices, de purificateurs d'eau et de soutien pour rétablir les communications et reconstruire les ponts.

Le décompte des morts a plus que doublé en 24 heures. Et le pays continue de trembler : plus de 90 répliques, certaines atteignant une magnitude de 6,1, ont ralenti les efforts pour prêter main-forte aux victimes.

«Tout vient de finir de tomber, s'est écriée Maria Talca, après une réplique survenue en matinée. La terre vient de s'ouvrir, les gens sont en train de crier dans la rue. S'il vous plaît, aidez-nous. Nous sommes avec des enfants, des personnes âgées, des morts et personne ne nous aide! Sortez-nous de là!»

Psychologue installée dans la capitale Santiago, Marcela Quijada habite le quartier des Beaux-Arts, où se trouvent des cafés, des restaurants et des discothèques branchées.

«Durant le séisme, c'était l'heure des sorties quand la lumière s'est coupée, a-t-elle relaté. Alors les gens sont sortis en courant et en criant dans les rues. Pendant ce temps, les vitres et les corniches de pierre des vieux immeubles tombaient.»

Concepción ravagé

Le séisme a provoqué des dommages partout dans le centre du pays, mais c'est la province de Concepción, zone côtière située près de l'épicentre, qui a été la plus dévastée. Au moins une centaine de personnes sont mortes dans la ville de Concepción, la deuxième du pays avec 200 000 habitants. Là-bas, des dizaines de bâtiments ont été réduits en décombres.

La ville a été plongée dans le chaos lorsque des rescapés ont forcé les portes d'un supermarché pour dérober de l'eau et de la nourriture. Non loin de là, à San Pedro, des pilleurs ont attaqué des banques, des pharmacies et des stations-service.

Le couvre-feu a été décrété hier dans la province de Concepcion pour mettre un frein aux scènes de pillage, a annoncé le gouvernement chilien, alors que la population locale, affamée, n'a pas encore reçu d'aide d'urgence.

Prisonniers des décombres

En soirée, les secouristes tentaient encore de rescaper 48 personnes prisonnières d'un immeuble de 14 étages qui s'est effondré à Concepción. Au total, une centaine de personnes y dormaient lorsque, vers 3 h 30 samedi matin, le tremblement de terre a frappé.

Le bâtiment était presque neuf au moment du drame. Mais cela ne l'a pas empêché de crouler sous la force de la secousse. Vingt-quatre heures plus tard, le groupe de spécialistes arrivé par avion militaire avait retiré 16 survivants des décombres. Et huit cadavres aussi. «À l'intérieur, c'est compliqué, a expliqué Paulo Klein, chef du groupe. Il faut travailler avec beaucoup de précaution.»

Dans les heures qui ont suivi le séisme, la crainte qu'un tsunami balaie le Pacifique a amené plusieurs pays à évacuer des résidants des zones côtières. Le Japon et l'Australie ont finalement été frappés par des vagues, mais personne n'a été blessé. L'alerte au tsunami a été levée en matinée.

Situé entre la cordillère des Andes et l'océan Pacifique, le long de la «ceinture de feu», le Chili se trouve sur l'une des zones sismiques les plus actives du monde. C'est d'ailleurs dans ce pays qu'on a enregistré le plus puissant tremblement de terre de l'histoire, celui de Valdivia en 1960. On avait alors mesuré une secousse de 9,5 à l'échelle de Richter.

Mais des voix se sont élevées dans le pays, hier, pour critiquer la manière dont le gouvernement a géré la crise. Le ministre de la Défense, Francisco Vidal, a lui-même admis que la marine chilienne a commis une erreur en ne sonnant pas l'alarme sur le risque d'un tsunami.

Le pays a été d'autant plus perturbé que le séisme a coïncidé avec la fin des vacances estivales, un peu l'équivalent de notre fête du Travail. C'est donc dire que plusieurs familles n'étaient pas chez elles au moment du drame. Et des milliers de personnes ont tenté de regagner leur domicile durant tout le week-end.

«Il y a beaucoup de gens qui n'ont pas pu revenir chez eux, a indiqué Guillaume Bélanger, Québécois que La Presse a joint à Santiago. Pour faire 400 km, il a fallu faire 10 ou 12 heures en auto. Les autoroutes sont bloquées, il y a des ponts qui sont littéralement tombés.»

Avec l'AFP, AP, CNN

Olivier Ubertalli et

Claire Martin sont des collaborateurs spéciaux.