Qu'il soit à la bouche de Fidel Castro ou de Winston Churchill, de paysans cubains ou d'industriels occidentaux, le cigare a toujours été perçu comme une affaire d'hommes, mais Cuba veut désormais séduire les femmes en lançant sur le marché un «Julieta» aux arômes raffinés.

De couleur claire, fin et court (13 mm de diamètre et 120 mm de longueur), le Julieta a été conçu, selon son fabricant, pour être «dégusté en peu de temps et suivre le rythme de vie des femmes d'aujourd'hui, sophistiquées et actives».

«C'est un hommage à la femme», explique Javier Terres, vice-président de la société cubano-espagnole Habanos S.A. qui a lancé son Julieta lors de la XIIe édition du Festival du Havane qui s'est terminé en fin de semaine.

Habanos S.A. est responsable de la commercialisation de toutes les marques de cigares cubains confectionnés à la main et qui sont considérés comme les meilleurs au monde.

Les femmes jouent un rôle de premier plan dans la confection de ce produit de luxe, rappelle M. Torres, alors que dans la fabrique havanaise d'El Laguito 90% des 300 employés sont des femmes elles-mêmes souvent amatrices de havanes.

«Je ressens un grand plaisir à fumer. Une femme ne perd pas sa féminité parce qu'elle fume le cigare, au contraire», assure Miriam Obelin, une Noire de 60 ans, le visage brouillé derrière des volutes de fumée.

Et c'est une femme, Norma Fernandez, qui a confectionné pendant 14 ans les longs cigares Cohiba Lanceros du père de la Révolution cubaine de 1959 et ancien président Fidel Castro, 83 ans, jusqu'à ce qu'il arrête de fumer en 1986, et qu'elle-même abandonne du coup son métier de «torcedora».

«J'ai eu l'occasion de le rencontrer deux ou trois fois. Il m'a dit que je fabriquais de bons cigares», confie Mme Fernandez, 57 ans, qui est aujourd'hui responsable du contrôle de la qualité du cigare le plus cher au monde, le Cohiba Behike (environ 375 euros l'unité).

Les femmes ne roulent cependant plus seulement le cigare à Cuba, elles sont aussi de plus en plus productrices de tabac. Mais dans ce pays réputé pour son machisme, les femmes aimant fumer le cigare, qu'elles soient ouvrières ou femmes d'affaires, restent parfois mal perçues par les hommes.

«Les femmes sont belles. Cela ne leur va pas de fumer le cigare», estime un maçon de 65 ans, José Torres.

La société Habanos S.A. n'est certainement pas d'accord avec ce point de vue. Elle cherche justement à changer les mentalités et à développer un marché longtemps négligé alors que seulement 10% des amateurs de cigares dans le monde sont des femmes.

La crise économique mondiale, qui a entraîné une baisse du tourisme à Cuba, et des lois interdisant le tabac dans les bars ou restaurants dans des pays occidentaux, ont affecté les ventes de cigares cubains, en chute de 8% en 2009 (360 millions de dollars).

Yelena Vento, 22 ans, traîne derrière elle une odeur capiteuse de cigare. «Mon petit ami aime l'odeur du tabac, ça ne lui fait rien. Et une femme qui fume le cigare, c'est beau et élégant», assure cette jeune «torcedora» de havanes.

Son collègue Adonis Velasco, 32 ans, ne va pas la contredire, lui qui dit «se sentir particulièrement bien» quand il regarde une femme fumer un «puro».

Car pour nombre de Cubains, qui touchent en moyenne 20 dollars par mois, pouvoir déguster un bon cigare aux arômes riches et précieux n'est pas un problème de sexe, mais d'argent.