Cuba, l'un des rares pays dirigés sans partage par le Parti communiste, veut éliminer les indemnités accordées aux «chômeurs» dans le cadre d'une série de mesures s'attaquant au «paternalisme» d'État afin de relancer une économie au bord de «l'effondrement».

Le mot d'ordre depuis des mois à Cuba est de «faire des économies» et de «produire plus», l'Etat traversant sa plus grave crise économique depuis la chute de l'URSS en 1991. Aux commandes depuis le retrait de son frère Fidel en 2006, Raul Castro a promis de «défendre et perfectionner le socialisme», tout en annonçant il y a un peu plus d'un an la fin des «subsides excessifs» pour les 11,2 millions de Cubains, sans alors préciser lesquels ni dans quel délai.

L'hebdomadaire Trabajadores, citant le secrétaire général de la Centrale des Travailleurs de Cuba (CTC) Salvador Valdes, a prévenu que les travailleurs «en disponibilité», en d'autres mots les chômeurs, ne seraient plus renvoyés chez eux avec un salaire, mais devraient accepter de se tourner vers des secteurs manquant de main-d'oeuvre.

La presse cubaine n'a pas précisé quand cette mesure, aux contours encore flous, pourrait entrer en vigueur.

Les travailleurs «mis en disponibilité» reçoivent jusqu'à 60% de leur salaire en attente d'un autre emploi, généralement du même type.

Officiellement, le taux de chômage était de 1,7% en 2009, soit l'un des plus faibles au monde. Mais ce taux atteindrait en fait - d'après des normes occidentales - plus de 25% selon les chiffres invérifiables d'économistes dissidents.

Plus de 22 000 salariés de la santé sont ainsi «inutiles», selon la presse qui a aussi rapporté que des chantiers comptaient parfois plus de gardiens que d'ouvriers en bâtiment.

Le «paternalisme» d'État et, selon les mots de Raul Castro, ses «gratuités indues» alimentant souvent le marché noir est désormais la cible de toutes les critiques, notamment dans la presse.

«Les Cubains se sont habitués à tout recevoir gratuitement de l'État, mais ce n'est plus possible financièrement. Il faut cependant changer les choses doucement, préparer les gens, car cela implique aussi un changement de mentalités», explique à l'AFP un responsable cubain sous couvert d'anonymat.

Pour mettre fin aux vols de nourriture, les cantines d'État gratuites ont ainsi commencé à disparaître en octobre en échange d'une légère augmentation de salaires des fonctionnaires. Et le carnet d'alimentation - déjà très réduit - pourrait aussi disparaître.

Mais pour le prêtre et économiste cubain Boris Moreno, «les conditions socio-économiques ne changent pas par des discours et des décrets».

Dans la revue de l'Église catholique cubaine, cet analyste met en garde contre un «effondrement» de l'économie contrôlée à 90% par un Etat qui continue selon lui de «faire prévaloir l'idéologie sur la rationalité économique».

Sous embargo américain depuis 48 ans, l'île communiste a été frappée par la crise mondiale qui a entraîné une baisse des recettes tirées du tourisme et du nickel, son premier produit d'exportation, ainsi que par trois ouragans dévastateurs en 2008.

Refusant de toucher à ses deux fleurons, la santé et l'éducation gratuites, l'Etat cubain, à court de devises, a réduit ses importations.

Pour favoriser la productivité, il a aussi déplafonné les salaires (20 dollars par mois en moyenne, soit 14 euros) et autorisé la distribution de terres d'État en friche à des exploitants privés.

L'aide de l'allié vénézuélien reste «cruciale», mais cet État riche en pétrole est désormais lui aussi confronté à une crise économique qui «pousse Cuba à se réformer», selon un diplomate occidental.