En prenant les rênes du Honduras aujourd'hui, le nouveau président Porfirio Lobo espère mettre fin à la crise politique qui secoue son pays depuis le coup d'État du 28 juin dernier. Cependant, une autre crise sera beaucoup plus difficile à balayer sous le tapis: l'économie du pays le plus pauvre de l'Amérique centrale est au bord du désastre.

La mauvaise nouvelle est venue des haut-parleurs. Dans le long atelier en béton gris où trimaient 1800 couturières honduriennes, les mots ont eu l'effet d'une bombe. «Nous avons le regret de vous annoncer que la situation actuelle nous oblige à fermer nos portes.» Les larmes se sont immédiatement mises à couler sur les machines à coudre.

 

Les questions ont fusé ensuite. Pourquoi? Eva Barilla, une des couturières licenciées, a interrogé son patron, sous-traitant de la société américaine Hanes. La réponse, changeante, était à l'image des secousses successives qui ont ébranlé l'économie hondurienne au cours de la dernière année.

«Un jour, on nous disait que la crise économique aux États-Unis était responsable de la chute des ventes. Le lendemain, que nos salaires étaient trop élevés. Le troisième jour, que le coup d'État était responsable de nos malheurs», explique la mère de famille qui, depuis, a été incapable de trouver un autre emploi. «Je ne sais plus quoi croire», laisse tomber la jeune femme, rencontrée sur le perron de sa maison.

Selon les analystes économiques qui s'intéressent au pays le plus pauvre d'Amérique centrale, les causes du marasme économique au Honduras se trouvent à l'intersection des trois explications de son patron.

Dépendance américaine

La crise économique aux États-Unis a envoyé une onde de choc jusque dans les bidonvilles et les campagnes du Honduras. Plus de 70% des exportations du pays de 7 millions d'habitants ont pour destination le pays de l'Oncle Sam.

Résultat: alors que les États-Unis traversaient une importante récession l'an dernier, le produit intérieur brut du Honduras a décliné pour la première fois de son histoire, explique Jorge Heine, expert de l'Amérique latine au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale.

Plusieurs entreprises ont aussi blâmé le président Manuel Zelaya d'avoir aggravé la situation. En 2009, il a haussé le salaire minimum de 60%, à 289$ par mois. Craignant de voir 114 000 emplois s'envoler en fumée, il avait exempté les maquiladoras - les ateliers de misère comme celui où travaillait Eva Barilla. Quand elles ont néanmoins perdu son boulot, Eva Barilla et ses collègues recevaient 180$ par mois, soit 1$ l'heure.

Plusieurs experts croient que ce qui est venu après la mesure populiste de Zelaya a eu des répercussions beaucoup plus grandes sur l'économie: le coup d'État. Les troubles politiques ont notamment fait perdre au Honduras 40% de ses touristes et, du coup, les millions de lempiras qu'ils dépensent dans son économie. L'incertitude a aussi fait grimper les dépenses de l'État et fait fuir les investisseurs étrangers.

Du village qu'elle habite à flanc de montagne et qui n'est accessible que par de longs kilomètres de routes cabossées, Eva Barilla se fout un peu des raisons de son licenciement.

Ces jours-ci, elle est surtout occupée à en gérer les impacts. La disparition de son emploi, mal payé, mais stable, a mis sa famille sur la corde raide. Comme plus de la moitié des Honduriens, ses enfants et elle vivent aujourd'hui sous le seuil de la pauvreté. Une pauvreté qui ne cesse de gagner du terrain.