Le président socialiste de Bolivie Evo Morales, qui a annoncé dimanche sa réélection triomphale et obtenu la majorité absolue au Parlement, est voué à un contrôle total des institutions du pays andin, gage selon lui d'une accélération du «changement».

Morales, qui avait écrit l'histoire en 2005 en devenant le premier président amérindien en 184 ans de Bolivie indépendante, a été réélu dimanche au premier tour avec plus de 61% des voix, une progression de huit points en 4 ans, selon des sondages convergents à la sortie des urnes.

Les résultats officiels ne seront pas connus avant mardi, mais sondages et projections donnaient au parti de Morales, le Mouvement vers le Socialisme (MAS), la majorité absolue qu'il convoitait au Parlement bicaméral, avec 24 ou 25 sièges sur 36 au Sénat.

«Cette majorité de plus des deux-tiers des députés et sénateurs nous oblige à accélérer le processus de changement», a lancé Morales dimanche soir à des milliers de partisans en liesse criant, «Evo de Nuevo !» (de nouveau) sous le balcon du Palais présidentiel à La Paz.

Ce «changement», a-t-il expliqué, reposera sur la mise en oeuvre de la nouvelle Constitution de janvier 2009: un texte radical, mais complexe, qui donne une place centrale à l'État, aux droits autochtones, à la décentralisation, au contrôle des ressources naturelles.

Morales, né il y a 50 ans dans la misère de l'altiplano bolivien, veut rompre avec ceux qui ont gouverné la Bolivie et ses richesses (gaz, minerais), tout en la maintenant parmi les plus pauvres pays d'Amérique latine.

«Le peuple bolivien a placé un chef amérindien en première ligne !», a résumé le président venezuelien Hugo Chavez, allié et mentor socialiste de Morales, en saluant d'avance le résultat bolivien. Une victoire appelée à doper le bloc de gauche anti-libéral d'Amérique latine.

L'Équateur du socialiste Rafael Correa, lui-même réélu en avril, a été le premier à féliciter Morales pour son élection «historique», un «triomphe pour la démocratie bolivienne et de la région».

En Bolivie, l'hégémonie politique qui s'annonce suscite en revanche dans l'opposition la crainte de dérives à la Chavez.

La majorité absolue du MAS va lui permettre d'amender à sa guise la Constitution, par exemple la limite aux mandats présidentiels, au nombre de deux consécutifs actuellement.

Morales lui-même a laissé planer dimanche la possibilité d'un 3e mandat, au-delà de 2015, estimant que sur la base d'une nouvelle Constitution, son 2e mandat pouvait être considéré «comme une première élection».

Le contrôle du Parlement donne enfin au MAS carte blanche pour les nominations dans la justice par exemple.

«La polarisation politique continue», a dénoncé dimanche soir Manfred Reyes Villa, le candidat de droite distancé (25-27% des voix). Il a promis de lutter au Parlement dans la «tranchée de la démocratie» contre des abus de pouvoir.

Pour l'heure, le «climat tranquille» et «civique» de ces élections générales a été salué par les observateurs de l'Union européenne et de l'Organisation des États américains.

Ce climat, dû en partie à la résignation d'une frange dure de l'opposition conservatrice, illustre l'apaisement survenu en Bolivie.

Il y a un peu plus d'un an, une fronde autonomiste dans l'est prospère du pays, et des violences entre partisans et adversaires de Morales avaient fait des dizaines de morts.