Le président péruvien Alan Garcia a qualifié lundi d'«acte repoussant» l'affaire d'espionnage militaire découverte au Pérou pour le compte du voisin chilien, émanant selon lui de secteurs ayant gardé «des habitudes de la dictature» au Chili, et non de son gouvernement.

Faisant son premier commentaire sur l'affaire, révélée vendredi, et dont la justice continuait lundi d'évaluer l'ampleur, Alan Garcia a dénoncé dans une brève allocution une «offense faite à la souveraineté du Pérou», qui a «le droit d'exiger des explications» de Santiago.

Les relations entre le Pérou et le Chili, plutôt bons voisins et partenaires, connaissent un accès de tension depuis vendredi, et la révélation de l'inculpation d'espionnage militaire d'un sous-officier de l'armée de l'air péruvienne de 45 ans, Victor Ariza.

Trois autres militaires péruviens au moins et deux Chiliens, sont soupçonnés dans l'enquête, et plusieurs gradés doivent être entendus, selon la presse citant des sources militaires.

Pendant au moins quatre ans, M. Ariza aurait fourni au Chili des renseignements clefs sur les projets péruviens d'équipement sur 15 ans.

«Nous ne disons pas que la présidente (Michelle) Bachelet est responsable», a déclaré lundi Garcia, épargnant ostensiblement son homologue chilienne.

«Nous croyons, nous voulons croire que ce sont quelques secteurs du Chili, et non le gouvernement chilien dans son ensemble, ni le peuple chilien».

«Ces secteurs conservent des habitudes de la dictature, +pinochetiste+, dans la relation du Chili avec ses voisins», a-t-il ajouté, dans une allusion au général Augusto Pinochet à la tête du régime militaire à Santiago de 1973 à 1990.

Garcia n'a pas annoncé de mesures de rétorsion diplomatiques.

Le Chili, en pleine campagne pour le premier tour de la présidentielle le 13 décembre, a nié avec insistance tout acte d'espionnage envers son voisin du Nord.

Et selon le ministre des Affaires étrangères Jose Antonio Garcia Belaunde, cité par le quotidien Peru21, Michelle Bachelet a assuré à Alan Garcia qu'elle n'avait «aucune responsabilité personnelle» dans l'affaire, à l'occasion d'un bref échange à Singapour en marge du forum Asie-Pacifique (Apec).

Des parlementaires chiliens ont souligné lundi la coïncidence de l'affaire avec la récente annonce d'achats envisagés par le Chili d'armement antiaérien américain (missiles Stinger, radars Sentinel).

Le président de la Commission des Affaires étrangères a vu une «stratégie de communication» pour faire apparaître le Chili comme «belliciste». Cela afin d'influer sur l'issue d'un contentieux concernant la frontière maritime Pérou-Chili, devant la Cour internationale de justice (CIJ).

Pérou et Chili, malgré de solides relations économiques -dont un traité de libre-échange- conservent une hyper-sensibilité sur des questions de sécurité et de défense, qui est en partie le legs d'une guerre de 1879-83.

Le Pérou a souvent dénoncé ce qu'il qualifie de «surarmement» du Chili, engagé depuis 10 ans dans un vaste programme de modernisation de son équipement, pour plus de 2,5 milliards de dollars d'acquisitions.