À 50 ans, Iris a subi sept avortements, Tania, à 19 ans, en totalise déjà quatre: à Cuba, où l'interruption volontaire de grossesse est légale et gratuite, les autorités veulent en réduire le nombre grâce à la «pilule du lendemain» qu'elles distribueront à partir de 2010.

L'île communiste a été l'un des premiers pays au monde à légaliser en 1965, dans la foulée de l'URSS, une pratique encore controversée dans nombre de pays, notamment en Amérique latine. Quelque 85.000 IVG sont effectuées en moyenne chaque année à Cuba, pour 11,2 millions d'habitants.

Le ministère de la Santé aimerait réduire ce nombre et va pour cela produire et distribuer dans tout Cuba à partir de 2010 la «pilule du lendemain» qui peut se prendre jusqu'à 72 heures après une relation sexuelle non protégée.

Les Cubaines pourront se la procurer en pharmacie, au coût de 0,04 dollar et sans prescription d'un médecin, selon le président de la Commission pour la Santé sexuelle et la planification familiale, Miguel Sosa.

Dans la province de Holguin (est), la première à disposer de la «pilule du lendemain», le nombre d'avortements a baissé de 22% sur environ un an, selon M. Sosa.

«Cela permet d'éviter un avortement. On nous accuse d'être un pays d'«avorteurs», mais nous essayons de diminuer le nombre d'avortements sans hypocrisie, sans nous voiler la face. Dans les années 1990, nous pratiquions 120.000 avortements annuellement et nous avons réduit ce chiffre dans cette décennie à 85.000», relève le responsable.

État officiellement athée depuis la Révolution de 1959, Cuba a été le premier pays du continent à dépénaliser l'IVG - afin notamment de mettre un terme aux avortements clandestins - et le seul en Amérique latine où cette intervention se pratique sans restrictions jusqu'à 10 semaines de grossesse.

La «pilule du lendemain» est ainsi considérée à Cuba comme une «mesure anticonceptionnelle» et non comme un avortement, loin du débat qui agite sur cette question des pays latino-américains tels que le Pérou, où l'Eglise catholique garde une certaine influence.

Pour l'Eglise, la «pilule du lendemain» est un «avortement», explique à l'AFP monseigneur Dionisio Garcia, président de la Conférence épiscopale de Cuba.

«L'Eglise recommande de ne pas l'utiliser, au nom de la défense de la vie. Mais il se fait des choses ici avec lesquelles on peut ne pas être d'accord», ajoute-t-il.

Iris, mère d'une fille de 17 ans et qui avoue avoir eu très souvent dans sa jeunesse des relations sexuelles non protégées, estime «très bien la pilule du lendemain, sauf que ça n'aide pas à faire la promotion d'un comportement sexuel responsable».

Quelque 25% des 2,6 millions de Cubaines sexuellement actives n'utilisent pas de méthodes contraceptives et seule une minorité d'entre elles ont des relations sans contraception parce qu'elles sont infertiles ou veulent avoir un enfant.

Dans ce pays où les garçons entament en moyenne leur vie sexuelle à l'âge de 13 ans et les filles à 14, le quart des grossesses non désirées concerne des jeunes femmes de moins de 20 ans, selon M. Sosa.

Tania, employée dans le secteur du tourisme, a eu sa première expérience sexuelle à 15 ans et en est quatre ans plus tard à son quatrième avortement.

«Les femmes ont le droit de refuser de porter un enfant, mais c'est sûr qu'il y a de l'abus», estime Ana Menendez, une enseignante de 37 ans qui a eu deux enfants et subi cinq IVG.