La course aux OGM a gagné le Mexique, mais les premiers tests de plantation de maïs transgénique font monter l'inquiétude et la colère dans le pays, où cette céréale garde encore un caractère sacré.

Le maïs est indissociable du Mexique depuis les temps pré-hispaniques, où des mythes le présentaient comme l'origine de l'Homme.

Aujourd'hui, le Mexique est le premier producteur mondial de maïs blanc, base de l'inévitable «tortilla», la galette qu'on y met à toutes les sauces. Et sur ses marchés, les touristes s'étonnent devant les multiples variétés indigènes, une cinquantaine dans le pays: colorées de rouge ou bleu, elles sont produites par des milliers de petits agriculteurs dont c'est l'alimentation de base.

Le gouvernement a attribué en ce mois d'octobre 2009 ses 22 premiers permis de tests de maïs OGM, dans le nord et l'est du pays, aux spécialistes américains des semences, Monsanto, Dow AgroSciences et Pioneer.

Car au Mexique, le maïs est également indissociable des États-Unis, d'où le pays importe de plus en plus de la variété jaune, destinée surtout à l'alimentation animale.

À entendre les autorités mexicaines, les tests OGM visent à reconquérir une production de maïs autosuffisante et à contribuer à faire baisser les prix, qui ont plus que doublé sur le marché mondial depuis 2007, largement en raison de la demande en carburants d'origine végétale.

En 2008, des dizaines de milliers de Mexicains sont descendus dans les rues pour protester contre le prix de la «tortilla».

«Aucun pays ne devrait dépendre des autres pour son alimentation», a déclaré à l'AFP Ariel Alvarez Morales, qui dirige à Mexico la Commission bi-ministérielle sur la biosécurité des OGM.

Il ne diabolise pas les OGM: «nous pouvons profiter de notre biodiversité en matière de maïs, et cela peut passer aussi par cette nouvelle technologie», a-t-il ajouté.

Greenpeace a mené une campagne de protection du maïs mexicain quand des traces d'OGM ont été trouvées dans des variétés locales au cours de la dernière décennie, malgré un moratoire sur la plantation de variétés transgéniques.

Les nouveaux permis de tests sont limités à une dizaine d'hectares et les autorités affirment avoir veillé à les empêcher de contaminer le maïs local, mais Greenpeace maintient qu'ils risquent de toucher 31 espèces indigènes, et a porté plainte pour obtenir le retrait des autorisations.

«Leur but final n'est pas l'expérimentation, c'est d'ouvrir la porte à ces semences qui ne profitent qu'aux grandes compagnies, pas aux producteurs et consommateurs mexicains», a affirmé à l'AFP une militante de Greenpeace, Aleira Lara.

La crainte inspirée par le maïs OGM, c'est de voir la disparité mexicaine disparaître, au profit de deux ou trois espèces seulement, contrôlées par les multinationales.

Le gouvernement ferait mieux d'investir davantage dans l'aide aux petits agriculteurs et dans la protection du maïs local, selon Mme Lara. Sur les 1,9 million de producteurs mexicains de maïs, 85% exploitent moins de 5 hectares, selon les chiffres officiels.

Pour l'heure, des graines de la plupart des variétés mexicaines de maïs sont conservées, congelées, dans la vaste banque de semences du Centre international d'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) à Texcoco, dans le centre du Mexique, parmi 27 000 échantillons en provenance de tout le continent.

«C'est une réserve génétique pour répondre aux problèmes, liés par exemple au changement climatique», a expliqué un expert du Centre, Kevin Pixley.

«Si le maintien de la diversité dans les champs maintient aussi les fermiers dans la pauvreté parce qu'ils cultivent des variétés inférieures à celles qui sont disponibles, alors le débat mérite d'être lancé», a conclu M. Pixley.