Les petits restaurants privés de La Havane espèrent profiter de la récente fermeture de cantines publiques décidée par le gouvernement de Raul Castro dans le cadre d'une réforme devant éliminer à terme les subsides «excessifs» de l'État communiste, à court d'argent.

Depuis la semaine dernière, les fonctionnaires de quatre ministères de la capitale cubaine se sont retrouvés devant les portes fermées de leur cantine, où ils pouvaient déjeuner gratuitement. Cette mesure, encore expérimentale, doit être étendue aux 24700 cantines de l'île, qui servent 3,4 millions de travailleurs sur une population totale de 11,2 millions de personnes.

«Ils ne reçoivent plus à déjeuner, il faut qu'ils viennent ici!», s'exclame, non sans joie, Idalmis Zayas, propriétaire d'un petit commerce de pizza et de boissons fraîches installé dans sa maison à proximité d'un ministère.

«Cela fait deux jours que je n'arrête pas une seconde, je meurs de sommeil, mais je ne me plains pas, c'est une bonne mesure que celle-là!», affirme cette femme à propos de la fermeture des cantines.

Il s'agit du premier pas d'une réforme annoncée fin décembre 2008 par le président Raul Castro pour éliminer les «subsides excessifs» d'un État confronté à une grave crise économique, mais aussi lutter contre le vol et les trafics - notamment de denrées alimentaires - qui alimentent le marché noir.

La «libreta», ce carnet de rationnement en denrées de base, doit aussi à terme être supprimée par l'État qui n'a par ailleurs pas l'intention de toucher à ses deux fleurons, son système gratuit de soins de santé et d'éducation.

Plutôt que de fournir les cantines en aliments -dont une partie se retrouve parfois sur le marché noir-, le gouvernement préfère donner environ 300 pesos de plus par mois (12 dollars de plus sur un salaire qui atteint mensuellement en moyenne 20 dollars) à ses fonctionnaires pour qu'ils dépensent cet argent à leur guise.

La désorganisation dans les cantines est telle que les surplus de nourriture ont occasionné en 2008, selon le ministre de l'Economie Marino Murillo, des pertes de 35 millions $US à l'État alors que celui-ci, à court de devises et qui importe jusqu'à 84% de ses denrées alimentaires, cherche à réduire ses dépenses.

«L'État Papa», comme l'appellent certains Cubains, dépense au total 350 millions de dollars par année pour nourrir ses employés, sans compter le coût de fonctionnement des cantines (électricité, etc).

Avec la nouvelle réforme, l'État va dépenser à peu près la même chose pour les employés, mais va économiser sur les coûts d'entretien et notamment l'électricité qui est déjà rationnée depuis le début de l'été dans les lieux publics.

«Il s'agit plus de donner que d'enlever, d'ouvrir les portes à la rationalité et à l'économie, de libérer le pays d'une charge qu'il ne peut plus continuer à assurer», a déclaré Marino Murillo.

«C'est quelque chose de nouveau qui va aller en s'améliorant avec le temps. Le gens ne sont pas tous d'accord (sur cette réforme), mais le gouvernement nous donne au moins un autre salaire pour que nous puissions déjeuner», estime pour sa part une fonctionnaire, Margarita Sardinas, qui a choisi d'apporter de chez elle son repas, une salade.

Dans certains ministères, la cantine a laissé place à un coin repas, avec un four micro-ondes et un réfrigérateur.

«C'est une autre option, mais si je dois attendre une demi-heure chaque jour, je vais penser à une autre formule», dit un fonctionnaire au milieu d'une trentaine de personnes attendant en ligne pour faire réchauffer leur repas dans le four micro-ondes.