Dans un pays sur lequel s'acharnent la crise, la grippe A et la violence, de plus en plus de Mexicains s'épanouissent en battant des records. Que ce soit le plus grand hot-dog du monde ou une chorégraphie de 13 000 personnes, la réalisation d'exploits hors du commun est en vogue, nous explique notre collaboratrice.

Deux heures et 50 minutes suspendu en l'air par des crochets perforant son dos: c'est le tour de force réalisé par le Mexicain Jorge Castro, artiste tatoueur de profession et détenteur du record de suspension corporelle.

Cet homme qui a huit piercings dans le visage et la langue coupée en deux dans le sens de la longueur avoue être en permanence «à la recherche de l'extrême».

«Je bats des records pour repousser les limites de mon corps», explique-t-il dans son petit atelier de tatouages, en montrant une vidéo où il tire une camionnette de plusieurs tonnes à l'aide de tiges de métal plantées dans ses bras.

L'histoire de Jorge Castro relèverait de l'anecdote s'il n'y avait de plus en plus de Mexicains obsédés par les records. «Il y a un véritable boom dans ce pays», affirme Carlos Martinez, qui travaille à titre de juge pour l'organisation Guinness. Il homologue des records dans toute l'Amérique latine, mais il admet passer la plupart de son temps au Mexique.

De mémoire, il cite quelques exploits auxquels il a récemment assistés au sud du Rio Grande: un tournoi de football avec 172 692 joueurs répartis en 10 457 équipes, un défilé de mode sur un podium de plus d'un kilomètre, ou encore le plus long marathon de discours, soit 3 jours et 45 minutes de palabres.

Les Mexicains se sont aussi spécialisés dans les performances culinaires: le plus grand gâteau au fromage, le plus grand sandwich, la plus grande boulette de viande et, bien sûr, le plus grand taco, emblème de la gastronomie nationale...

Dans «le pays le plus surréaliste du monde», disait André Breton, chaque prouesse contient une dose d'excentricité. Hector Jackson, par exemple, est devenu le plus célèbre imitateur mexicain de Michael Jackson après avoir, le 29 août dernier, jour de l'anniversaire de feu son idole, fait danser sur une chorégraphie de sa création 13 597 personnes au rythme de la chanson Thriller en plein centre de Mexico.

«Le record m'a apporté une notoriété que je n'aurais jamais osé espérer. On m'appelle constamment pour des spectacles privés», raconte le jeune Hector, alors qu'il enseigne à un groupe d'adolescents à danser comme Michael.

«C'est une grande ville où se passent de grandes choses: c'est le message que nous voulons envoyer au monde entier», indique Alejandro Rojas, secrétaire du tourisme à la mairie de la capitale, qui s'est directement engagé dans l'organisation de plusieurs records. Y compris celui de Thriller et, avant cela, le baiser collectif qui avait réuni 39 879 personnes s'embrassant simultanément le jour de la Saint-Valentin sur le Zocalo, l'immense place de Mexico.

C'est aussi là que le photographe américain Spencer Tunick avait réuni plus de 18 000 personnes nues en 2007. La deuxième plus grande place du monde devrait être rebaptisée «la place de tous les records»: un espace hors norme où tous les excès sont permis.