Le Sénat uruguayen a donné mercredi son feu vert définitif à l'adoption par les couples homosexuels, une première dans cette région plutôt conservatrice, où ce petit pays de 3,4 millions d'habitants ne cesse de jouer les pionniers en matière de moeurs.

«(Le texte) a été approuvé avec les votes du Frente Amplio (la coalition de gauche au pouvoir) et du Parti colorado (opposition de droite)», a déclaré à l'AFP la sénatrice Margarita Percovich. Une autre formation d'opposition, le Parti national (centre-droit), a en revanche voté contre. Le Sénat avait déjà approuvé le texte en première lecture le 15 juillet, mais il a dû le voter à nouveau, en raison des légères modifications de forme effectuées par les députés, lorsqu'ils l'ont adopté à leur tour le 27 août.

Cette réforme est décriée par l'Eglise catholique. «Notre position est que l'adoption doit se faire dans le cadre d'une famille, avec un couple formé d'un homme et d'une femme», a déclaré à l'AFP l'évêque Pablo Galimbertti.

Avant l'Uruguay, seule une poignée de pays dans le monde avait déjà autorisé les couples homosexuels à adopter des enfants.

En Europe, le premier fut les Pays-Bas en 2001. Quinze ans plus tôt, deux Américaines avaient pu légalement adopter un enfant en Californie.

En Amérique latine, plus grande région catholique de la planète avec plus de 500 millions de fidèles, cette décision s'apparente néanmoins à une grande première.

L'Uruguay s'était déjà démarqué de ses voisins plutôt conservateurs sur le plan des moeurs en autorisant l'an dernier une union civile entre gays, similaire au Pacs en vigueur en France.

En décembre, le Sénat a aussi approuvé un projet de loi autorisant les transsexuels à modifier leur état civil afin d'être en conformité avec leur apparence, dès l'âge de 12 ans et sans l'accord des parents. Le texte doit cependant encore être approuvé par la Chambre des députés, ce qui pourrait intervenir dans les prochains jours.

En mai, Tabare Vazquez, premier président de gauche de l'histoire de l'Uruguay, a également aboli une règle qui interdisait aux homosexuels l'accès aux écoles militaires en raison de leur «trouble d'identité».

«L'Uruguay a une longue tradition d'avant-garde en faveur des droits des minorités, une volonté d'avancer rapidement sur ces questions», avait alors expliqué à l'AFP Adolfo Garcé, professeur en sciences sociales à l'Université de la République de Montevideo.

La forte immigration d'Européens au XXe siècle, notamment des Espagnols ayant fui la guerre civile, a doté le pays d'une «culture politique progressiste et laïque», expliquait-il. Sous cette influence, l'Uruguay fut le premier pays latino-américain à légaliser le divorce en 1907 ou à accorder le droit de vote aux femmes en 1932.

En revanche, les Uruguayennes n'ont toujours pas le droit d'avorter. À la surprise générale, le président et ancien médecin Tabaré Vazquez avait mis l'an dernier son veto à un projet de loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse, invoquant des «principes éthiques».