Le parlement du Venezuela a donné un coup d'arrêt à l'initiative polémique du procureur général visant à sanctionner les délits de presse, en démentant l'existence d'un projet de loi sur ce sujet qui divise les députés au sein même de la majorité.

«Il n'existe pas de projet de loi sur les délits de presse au sein de cette Assemblée nationale. C'est totalement faux,» a déclaré le député Manuel Villalba, de la commission des médias de l'Assemblée nationale.

Cette mise au point survient cinq jours après la présentation aux députés d'une ébauche de proposition de loi extraordinaire sur le sujet par le procureur général du Venezuela, Mme Luisa Ortega, dans lequel elle proposait de punir d'emprisonnement les auteurs de «fausses nouvelles» portant atteinte à la «sécurité nationale».

Cette mesure associée à l'annonce samedi de la fermeture d'une trentaine de radios et de télévisions pour des raisons technico-administratives avait déclenché un torrent de critiques au Venezuela et à l'étranger contre le gouvernement socialiste de Hugo Chavez, largement majoritaire au parlement.

«Nous avons débattu des éléments soumis par le procureur et il n'y a pas de consensus au sein de cette commission. Il y a des divergences», a ajouté M. Villalba, tout en critiquant «l'impunité dont bénéficient ceux qui portent atteinte aux institutions au nom de la liberté d'expression».

Quelques heures auparavant, un autre membre de la commission, Earle Herrera, qui fait partie de la majorité, avait affiché ses réticences à propos de ce texte.

«Tel qu'il est présenté, je ne le voterai pas», avait-il déclaré.

D'autres députés ont précisé que le parquet n'avait pas le pouvoir de proposer des lois et ne pouvait donc fournir que des éléments de réflexion.

Mardi matin, des journalistes avaient encore manifesté devant le siège du parquet général pour dénoncer ce projet, fustigé à l'étranger par de nombreuses associations internationales comme Human Rights Watch (HWR), Amnesty International ou Reporters sans frontières.

Malgré ces «attaques», Hugo Chavez a cependant assuré qu'il allait continuer à réformer le secteur des médias, concentré selon lui entre les mains d'une oligarchie.

«Aujourd'hui, ils crient parce que nous démocratisons les moyens de communication afin de garantir une véritable liberté d'expression (...) Et ils nous menacent. Eh bien, qu'ils nous menacent! Quoi qu'ils disent, la liberté d'expression existe ici et nous continuerons à aller de l'avant», a déclaré le dirigeant antilibéral.

Ce nouveau bras-de-fer entre le pouvoir et les médias d'opposition a ravivé les tensions dans une société très polarisée.

Lundi après-midi, une trentaine de personnes armées ont lancé deux grenades lacrymogènes à l'intérieur du siège de la chaîne privée Globovision, menacée de fermeture en raison de son ton acerbe envers le pouvoir.

Moins de 24 heures plus tard, le parquet a émis un mandat d'arrêt contre Lina Ron, l'une des alliés les plus dures du régime, pour sa participation présumée à cette opération.

Par ailleurs, dans l'est du pays, une manifestation de soutien à la station Orbita FM 107.5, l'une des 32 radios fermées samedi, a tourné à l'affrontement entre partisans et détracteurs du gouvernement. Dix personnes ont été blessées.