Le gouvernement du Venezuela lance mardi l'examen d'un projet de loi sur les «délits médiatiques», trois jours après avoir fermé 34 radios et télévisions, renforçant les critiques de journalistes et d'associations qui dénoncent une atteinte à la liberté d'expression.

Le texte est débattu cette semaine en commission des médias au Parlement. Son adoption définitive pourrait prendre des mois, mais il a déjà fait beaucoup couler d'encre.

En cause, une disposition prévoyant une peine maximale de quatre ans de prison pour la divulgation d'une information jugée «fausse», «manipulée» ou «déformée», portant «préjudice aux intérêts de l'État» ou constituant une atteinte à la «morale publique» et la «santé mentale».

«Il s'agit de l'attaque la plus frontale contre la liberté d'expression au Venezuela depuis que (le président Hugo) Chavez est arrivé au pouvoir», dénonce le directeur pour les Amériques de l'association de défense des droits de l'homme, Humans Rights Watch (HRW), José Miguel Vivanco.

La rupture entre le dirigeant socialiste et une partie de la presse remonte au coup d'Etat avorté de 2002, lorsque les médias d'opposition avaient occulté les manifestations en faveur du retour au pouvoir de M. Chavez.

Cinq ans plus tard, cette prise de position fut l'un des motifs de la résiliation de la licence de la chaîne RCTV, très critique à l'égard du régime.

Ces derniers mois, plusieurs médias privés ont été menacés de subir le même sort et pour certains journalistes, l'avant-projet de loi sur les délits médiatiques vise à les «bâillonner».

«La simple présentation, la seule mention d'une loi sur les délits médiatiques a un effet d'intimidation immédiat», abonde Carlos Correa, directeur de l'organisation de défense de la liberté d'expression, Espacio Publico.

Il ne s'agit en aucun cas de censure et cette loi est nécessaire, rétorque la ministre de l'Information, Blanca Eeckhout.

«Que les médias assument les conséquences de leurs actes! Si vous commettez un délit, vous devez être sanctionné», explique-t-elle.

Le début de son examen survient trois jours après des manifestations de milliers de personnes contre le retrait de concessions à 32 radios et deux télévisions locales pour des raisons technico-administratives.

Le président Chavez parle de démocratisation d'un secteur encore largement concentré. Selon lui, les fréquences ont été reprises à la «bourgeoisie» afin de les rendre au peuple.

Mais l'organisation Reporters sans frontières (RSF) s'insurge contre un «caprice gouvernemental».

«Cette fermeture massive de médias réputés d'opposition, dangereuse pour l'avenir du débat démocratique, n'obéit qu'à la volonté gouvernementale de faire taire les voix discordantes, et ne fera qu'aggraver les divisions au sein de la société vénézuélienne», estime l'association de défense des journalistes.

«Ils ne veulent entendre qu'une seule voix», ajoute Nelson Belfort, président du réseau radiophonique CNB, très critique à l'encontre du régime en place.

Depuis sa fermeture samedi, sa radio continue à émettre sur l'internet et a symboliquement installé son studio sur une place de Caracas lundi.

«Nous essayons de lancer un message d'alerte aux Vénézuéliens: aujourd'hui c'est CNB, mais qui ce sera demain? Nous sommes dans une situation de restriction de la liberté d'expression», a lancé à l'antenne William Echeverria, président du Collège national des journalistes.