Quatorze millions de pauvres, jeunes livrés au «paco», la drogue des bidonvilles, insécurité croissante: l'Argentine qui vote dimanche aux législatives est loin d'avoir surmonté les ravages de la crise de 2001 malgré des années de croissance à la chinoise.

Des taux de croissance à 8%, fruits de la politique de réindustrialisation des Kirchner, avaient permis de redresser l'économie après la crise de 2001-2002 avec l'aide de la hausse du prix des matières premières agricoles, dont l'Argentine est un des premiers producteurs mondiaux.

Mais l'ancien président Nestor Kirchner (2003-2007) et sa femme Cristina Kirchner, qui lui a succédé, n'ont pu tenir leurs promesses en ce qui concerne la pauvreté.

Il y a en Argentine entre 12 et 14 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté, selon les études indépendantes et l'opposition et 6 millions selon le gouvernement.

Pour l'institut indépendant Ecolatina, créé par l'ancien ministre de l'Economie Roberto Lavagna, la pauvreté a touché au deuxième semestre 2008 30,5% d'une population de 40 millions.

Une étude de la Centrale des travailleurs argentins (CTA) estime que «les taux de pauvreté et d'indigence sont de 33,5% et 14,5% respectivement». Cette étude a été réalisée par d'anciens membres de l'Institut national des statistiques (INDEC), aujourd'hui accusé de manipuler ses données.

 «La hausse du niveau d'indigence a été due essentiellement à la forte inflation, touchant surtout les produits alimentaires, au cours des deux dernières années», déclare Claudio Lozano, économiste au sein de la CTA. Selon lui, l'inflation réelle est quatre fois supérieure à l'officielle.

Dans la province du Chaco (nord-est) la situation des populations indigènes tobas était telle que la Cour Suprême a donné récemment l'ordre aux autorités de les approvisionner en eau potable et en produits alimentaires.

Surtout, les ravages de la crise économiques de 2001, la plus grave de l'histoire argentine, sont souvent toujours là.

Les «cartoneros», ces travailleurs informels apparus avec la crise qui recyclent une partie des déchets de Buenos Aires, loin de s'en sortir, retombent dans la misère avec la chute du prix du carton.

La consommation de «paco», mélange de pâte de cocaïne, de verre pilé, de kérosène et de produits chimiques qui peut tuer en moins de six mois, apparu également en plein effondrement économique, ne fait que croître.

Ce fléau touche plus de 50 000 jeunes, selon les statistiques officielles, dont certains dès l'âge de 6 ans. La dose coûte 5 pesos (1 euro), mais elle ne dure que quelques minutes et on peut en consommer des dizaines à la suite. Les jeunes vendent jusqu'à leurs vêtements pour s'en procurer.

Des «Mères contre le Paco», habitant souvent des bidonvilles, se sont unies pour tenter d'arracher leurs enfants à cette drogue.

Si le «paco» touche surtout les classes populaires, l'insécurité concerne et mobilise tout le monde, y compris des célébrités qui appellent les politiques à agir.

«Faut-il qu'on tue la fille d'un président, d'un gouverneur ou d'un juge pour que ce pays se réveille ?», a ainsi demandé l'idole sportive et entraîneur de la sélection argentine de football, Diego Maradona.

Les chaînes de télévision ont ouvert presque systématiquement leurs journaux sur le thème de l'insécurité pendant la campagne, multipliant les retransmissions en direct des funérailles de civils ou de policiers.