Quatre jours à l'antenne: Hugo Chavez s'offre un marathon radio-télévisé pour le dixième anniversaire d'«Allô Président», un show hebdomadaire que le chef d'Etat vénézuélien a transformé en redoutable outil de communication.

Le tonitruant dirigeant socialiste a promis à ses concitoyens une véritable «telenovela», du nom de ces interminables séries sentimentales qui passionnent le public latino-américain. «Ca va commencer jeudi. Nous ferons une parenthèse et ça reprendra le vendredi, le samedi et ça se terminera dimanche dans l'après-midi ou la soirée. Il y aura différents épisodes, comme dans une telenovela. Nous parlerons de tout: chansons, critiques», a-t-il déclaré en début de semaine.

Emission-phare de la vie politique locale, «Allô Président» est née un an après l'élection, en 1998, de cet ancien officier putschiste, admirateur déclaré de la révolution cubaine, à la tête de ce géant pétrolier des Caraïbes.

Loin des allocutions traditionnelles, on y découvre chaque dimanche M. Chavez, 54 ans, en train de régler, en toute décontraction, ses comptes avec l'opposition comme avec son ex-femme, ou discourir durant des heures sur l'histoire, l'amour et la gastronomie.

Après une chansons romantique ou quelques anecdotes sur sa vie privée, il peut aussi à l'antenne annoncer la nomination ou la destitution d'un ministre, présider une inauguration ou encore joindre au téléphone des citoyens anonymes, abasourdis par l'appel présidentiel.

«C'est un téléprésident. Sa voix est devenue la musique de fond qui accompagne en permanence le pays», explique à l'AFP l'historien Alberto Barrera, auteur de la biographie de référence «Chavez sans uniforme».

«Le président a proposé aux Vénézuéliens une nouvelle idée de la politique, irrémédiablement liée à la télévision : un bon politicien doit d'abord être un show man», poursuit-il.

Selon M. Barrera, ce programme télévisé constitue la «métaphore parfaite de la conception qu'a Chavez de son travail»: un lien direct avec les classes pauvres, la moitié de la population, où ses programmes sociaux financés par la manne pétrolière ont forgé sa popularité.

Les journalistes sont rarement invités au show hebdomadaire de M. Chavez, mais ils le suivent toujours avec une grande attention à la télévision, car le président vénézuélien n'accorde que de rares entretiens à la presse.

Pour son ministre de la Communication et de l'information, Blanca Eeckout, «Allô Président» est un «espace de dialogue et de rencontre qui rompt avec l'isolement dans lequel se trouvaient les précédents chefs de l'Etat».

Depuis peu de temps, à l'image de son mentor cubain Fidel Castro, éloigné du pouvoir par la maladie, M. Chavez s'est même essayé à un autre genre médiatique: l'éditorial de presse.

Le sociologue Tulio Hernandez admet que le gouvernement de M. Chavez est devenu «probablement le plus médiatique d'Amérique latine», grâce au charisme personnel du président.

«Un programme de quatre jours alimente l'idée mythique que c'est un homme doté d'une grande force et de volonté, qui ne se fatigue pas. Quelque chose d'héroïque», décrypte-t-il, tout en soulignant que le principe n'est en soi pas nouveau.

«Depuis le XXe siècle, toutes les figures autoritaires ont montré une fascination extraordinaire et une capacité à profiter des moyens de communication de masse», note-il.

M. Chavez ne s'en cache d'ailleurs pas. Hasard du calendrier, les 10 ans d'«Allô Président» surviennent alors qu'il a lancé une charge contre les médias audiovisuels privés, menaçant aux plus critiques de supprimer leur licence d'émission.