L'Uruguay a rendu lundi un dernier hommage à l'une de ses plumes les plus illustres, Mario Benedetti, grande figure de la gauche et la littérature en Amérique latine, disparu la veille à l'âge de 88 ans.

Un jour de deuil national a été décrété lundi en mémoire de l'écrivain, dont la dépouille a été exposée dans le «Salon des pas perdus» du Palais législatif de Montevideo, siège du Congrès, avant de rejoindre mardi le Panthéon national.Décédé dans son sommeil des suites d'une hémorragie intestinale, Mario Benedetti laisse en héritage une oeuvre prolifique et traduite dans le monde entier de plus de 80 recueils de poèmes, de romans, de nouvelles, d'essais et de pièces de théâtre.

«L'écrivain infatigable», titre lundi El Pais, le principal quotidien uruguayen.

Ancien modeste employé, il a notamment décrit les rouages de l'administration, la principale industrie de ce petit pays sud-américain de trois millions d'habitants, enclavé entre l'Argentine et le Brésil.

«L'Uruguay est le seul bureau dans le monde qui se soit haussé au rang de République», aimait-il observer.

Ses oeuvres principales, le recueil de poèmes «Inventaire» ou les romans «L'anniversaire de Juan Angel», «Printemps dans un miroir brisé», «Echafaudages» mettent en scène la classe moyenne et la bureaucratie, avec ses touches de nostalgie et d'absurde.

«C'est quand on croit posséder toutes les réponses, qu'on s'aperçoit qu'on a changé les questions», plaisantait-il.

L'un de ses romans les plus célèbres «La Trêve» raconte une brève histoire d'amour entre une jeune employée de bureau et son supérieur, à la veille de la retraite. Tiré du roman, un long-métrage fut sélectionné aux Oscars en 1975 dans la catégorie du meilleur film étranger.

Mais l'engagement politique de Benedetti, admirateur de la révolution cubaine dans les années 60, l'arrachera, au sens propre comme au figuré, aux frontières de son pays.

Après la victoire de Fidel Castro dans l'île des Caraïbes, l'écrivain viendra en 1968 à La Havane prendre les rênes du Centre de recherches littéraires de la «Casa de Las Americas», poumon culturel de la gauche radicale latino-américaine.

Cofondateur du «Mouvement du 26 mars», il participe en 1971 à la naissance du «Frente Amplio» (le Front élargi) et rejoint le bureau exécutif de cette coalition de gauche, qui prendra le pouvoir en 2005 en Uruguay avec Tabaré Vazquez, le premier président progressiste de son histoire.

La dictature militaire au pouvoir de 1973 à 1985 dans le pays, l'a contraint comme de nombreux artistes à des années d'exil, en Argentine, au Pérou, à Cuba et en Espagne. Son livre «Avec et sans nostalgie», publié en 1982, a pour thème la résistance de la population contre la junte.

Né le 14 décembre 1920 à Paso de los Toros, dans le nord de l'Uruguay, Mario Benedetti a reçu de nombreux prix littéraires dont le Prix international Menendez Pelayo, le Prix Reina Sofia de Poésie ou le Prix ibéroaméricain José Marti.