L'idée de lancer aux législatives de juin des candidatures «bidon» de gouverneurs, députés et maires déjà en fonctions, qui renonceraient à leur nouveau mandat une fois élus, déclenche une vive polémique en Argentine.

C'est l'ancien président (2003-2007) et actuel chef du parti péroniste au pouvoir Nestor Kirchner, mari de la présidente Cristina Kirchner, qui a mis le feu aux poudres en demandant au très populaire gouverneur de Buenos Aires Daniel Scioli de se présenter à ses côtés dans la même province. Comme personne ne croit que M. Kirchner ou M. Scioli ont vraiment l'intention d'être députés après avoir été président et vice-président du pays, cette stratégie a été interprétée comme une manoeuvre.

Le but est double: stopper la montée en puissance de l'opposition (radicale et péroniste dissidente) en faisant appel aux figures les plus populaires du parti au pouvoir et contraindre les responsables péronistes tentés par la dissidence à s'engager derrière le kirchnérisme.

M. Kirchner (31%) est, selon un sondage Aresco, talonné dans la province de Buenos Aires par le dissident Francisco de Narvaez (25,9%) et par la radicale Margarita Stolbizer (23,1%) dont le parti reprend des couleurs depuis l'émotion provoquée par la mort de l'ancien président Raul Alfonsin.

Mme Kirchner, élue à une large majorité en décembre 2007, a vu son taux de popularité 'effondrer (de 55% à 30%) depuis son conflit avec les agriculteurs en juillet 2008.

La colère a été plus grande encore lorsqu'on a appris que la manoeuvre pouvait être étendue à l'ensemble des gouverneurs et maires du pays.

«C'est une aberration qui sème la confusion», a lancé le vice-président Julio Cobos, un radical qui a rejoint les Kirchner avant de repasser à l'opposition.

Juan Schiaretti, gouverneur péroniste de Cordoba, deuxième province d'Argentine avec plus de 3 millions d'habitants, s'est dit «en total désaccord avec cette idée». Il a mis en garde contre toute «atteinte aux institutions» et annoncé qu'il rompait avec le kirchnérisme.

Les députés de Cordoba formeront leur propre groupe après le scrutin du 28 juin qui doit renouveler la moitié des sièges de la Chambre des députés et le tiers des sièges du Sénat.

Plusieurs maires péronistes de la province de Buenos Aires ont également condamné cette initiative.

Le péroniste dissident Felipe Sola a qualifié la stratégie de M. Kirchner d'«aveu de faiblesse».

Elisa Carrio, chef de la Coalition civique alliée au radicalisme, a dénoncé une «escroquerie» reflétant «un grand mépris pour les institutions».

Pour des juristes, ces candidatures pourraient même être annulées par les tribunaux.

«Si un candidat se présente en manifestant son intention de renoncer à son siège une fois élu, son élection sera très probablement annulée», estime ainsi Gregorio Badeni.

Certains juristes ont également critiqué l'opposition, faisant valoir que M. Sola était déjà député et ne pouvait se représenter sans renoncer à son siège et que Gabriela Michetti était déjà maire adjointe de Buenos Aires.

Face à la polémique, le gouvernement a démenti avoir cherché à contraindre gouverneurs et maires péronistes à se présenter aux législatives.

«On n'oblige personne», a dit le chef du gouvernement, Sergio Massa. «C'est un mensonge étonnant», a renchéri le ministre de l'Intérieur Florencio  Randazzo.