Grâce à un ancien journaliste vedette de CNN, les ex-guérilleros du FMLN pourraient accéder à la présidence dès demain. Un véritable cauchemar pour le parti de droite Arena, qui dirige ce petit pays d'Amérique centrale depuis 20 ans

Au Salvador, le temps semble s'être arrêté quelque part en pleine Guerre froide. Rodrigo Avila, candidat du parti de droite Arena à la présidentielle de demain, a mis en garde les électeurs contre le «socialisme du XXIe siècle», porté par le Vénézuélien Hugo Chavez, qui n'est autre qu'«une mauvaise caricature du communisme du siècle passé».

 

Cet ancien ministre de la police, âgé de 44 ans, assure que le vote de demain est un choix entre deux systèmes: «Il faut voter pour défendre nos valeurs: Dieu, patrie, famille, travail, liberté.»

«Si les rouges passent, ils vont nous voler nos maisonset nos enfants», renchérit un de ses supporters, entièrement vêtu des couleurs bleu-blanc-rouge d'Arena.

Représentant de la gauche et candidat du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN), parti issu de la guérilla, Mauricio Funes entend pour sa part mettre fin aux quatre mandats consécutifs d'Arena à la tête du pays, un record en Amérique latine: «Arena a échoué, Arena n'a pas réussi à résoudre des problèmes essentiels comme l'insécurité, la pauvreté, la faim,» a-t-il martelé lors de ses derniers rassemblements.

Faire voter les morts

Cet ancien journaliste, qui fut correspondant de CNN au Salvador, met d'ores et déjà ses partisans en garde contre une fraude, demain: «Nous savons tous qu'Arena amène des électeurs des pays voisins. Arena va jusqu'à faire voter les morts.» Une tension qui s'est aussi manifestée pendant la campagne électorale, au cours de laquelle les affrontements entre les militants des deux partis ont été presque quotidiens.

Au Salvador, le débat politique est rarement pacifique. Après des décennies de dictature militaire, ce petit pays d'Amérique centrale a été déchiré par une guerre civile opposant l'armée, soutenue par les États-Unis, et la guérilla, appuyée par le bloc communiste. Le conflit, qui a fait 75 000 morts et des centaines de déplacés, s'est terminé en 1992.

Dix-sept ans plus tard, cependant, le paysage politique n'a guère évolué: Arena et le FMLN se retrouvent tous les cinq ans face à face, et le parti de droite n'avait qu'à agiter le chiffon rouge du communisme pour s'assurer une marge confortable à chaque scrutin.

Ce n'est désormais plus vrai. Lors des élections législatives et municipales de janvier, le FMLN est devenu la première force politique du pays. Cette gauche salvadorienne, qui ne parle plus de dénoncer le traité de libre-échange avec les États-Unis ou d'abandonner le dollar comme monnaie nationale, a considérablement recentré son programme.

Une étoile modérée

La gauche a surtout a changé de visage: remisant au second plan ses ex-commandants militaires, elle présente cette fois aux électeurs une étoile de la télé qui s'est forgé une image d'opposant au fil de ses interviews politiques. «L'objectif, c'est de ne plus effrayer la classe moyenne salvadorienne et surtout d'aller au-delà du vote traditionnel de gauche», explique le politologue Danilo Miranda. Une stratégie pour l'instant gagnante: en tête dans les sondages, Mauricio Funes a réussi à réunir autour de sa candidature des personnalités de droite et même d'anciens militaires.

Placé pour la première fois face à une possibilité réelle d'alternance, Arena fait feu de tout bois pour conserver le pouvoir: «Ce parti a l'appui des grands médias, des grands chefs d'entreprise, mais aussi des administrations et de l'appareil d'État», constate Roody Reserve, professeur à l'université UCA.

Arena compte aussi - et surtout - sur l'image sulfureuse d'Hugo Chavez pour effrayer l'électorat plutôt conservateur du Salvador. «Le président Vénézuélien contrôle déjà le Nicaragua et le Honduras. Il n'attend plus que la victoire du FMLN pour mettre la main sur le Salvador», jure Cesar Funes, directeur de la campagne d'Arena.

 

Le Salvador

Nom officiel> République d'El Salvador.

Population> 5 744 113 habitants selon le dernier recensement de 2007.

Superficie> 20 742 km2.

Monnaie> Le dollar américain est la monnaie officielle depuis 2001.

Régime> République démocratique, président élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans.

Taux de pauvreté> 35%.

Emploi> 40% de chômage et d'emplois précaires.

PIB par habitant> 2867$ en 2007.

Religion> 70% de la population est catholique, le reste se partage entre protestants évangéliques et mormons. AFP