Miriam, c'est son nom de combattante. Dans le civil, elle s'appelle Zenaida. A 35 ans, elle vient de déserter de la guérilla des Farc et de redécouvrir son frère Roberto, devenu soldat, 18 ans et de nombreux combats plus tard.

Leur histoire est un peu celle de la Colombie: enfants de paysans pauvres, issus d'une famille nombreuse happés par deux parties au conflit qui a tué 200.000 personnes en quarante ans.

«Je croyais que tous les membres de ma famille étaient morts. Je pensais que les paramilitaires (milices d'extrême droite formées à partir des années 1980 ndlr) les avaient tués», raconte Zenaida à l'AFP.

Début janvier, la combattante a quitté les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), avec un otage pour lequel la guérilla exigeait de ses proches une rançon de 2,3 millions de dollars.

«Je ne voulais plus continuer, le traitement que l'on infligeait aux otages me rendait très triste», poursuit cette femme aux yeux en amende et aux traits durcis par la guerre. Son frère Roberto, de dix ans son cadet, est à ses côtés. Il parle peu. Il a perdu une jambe, après avoir sauté sur une mine antipersonnel posée par la guérilla.

Ils se sont revus mercredi, pour la première fois en 18 ans.

«Quand je l'ai vue à la télévision, je n'ai pas reconnu ma soeur, après des parents ont commencé à appeler pour m'annoncer la nouvelle», dit-il. En dépit du fossé qui les a séparés pendant si longtemps et de la blessure de guerre de Roberto, les deux tentent de rattraper le temps perdu. Enfermés dans une maison bien gardée de Bogota, ils énumèrent ensemble les combats auxquels chacun à participé. Ils semble qu'ils aient parfois été près -- leurs unités les ont menés dans au moins cinq départements de Colombie à la même époque -- sans jamais s'affronter directement.

La séparation remonte à 1990, lorsque des guérilleros sont arrivés dans l'exploitation paternelle, où ils survivaient en cultivant notamment des pommes de terre; «ils ont dit à mon père qu'il fallait contribuer avec un enfant pour la révolution. J'étais l'aînée, alors ils m'ont emmenée», se souvient Zenaida.

Les années ont passé. «Nous avons perdu sa piste et nous avons cru qu'elle était morte», dit Roberto.

Zenaida évoque sa formation de huit mois, ses armes de guérillera - de vieilles carabines, puis des armes plus modernes comme les AK-47, et ses périples, le long de la cordillère des Andes face aux vallées orientales que se partagent le Venezuela et la Colombie, puis dans la jungle amazonienne unissant la Colombie, le Brésil, le Pérou et l'Equateur.

Elle affirme avoir rencontré le «Mono Jojoy», chef militaire des Farc toujours recherché par l'armée colombienne et explique avoir commencé à envisager la fuite lorsque la guérilla l'a forcée à se séparer de ses deux fils, nés de liaisons avec des guérilleros et aujourd'hui âgés de 17 et 5 ans respectivement. Elle n'en a retrouvé qu'un seul, le plus jeune, depuis sa désertion. Il vit avec son père et deux autres enfants, nés d'une autre femme.

«J'en avais assez de beaucoup de choses et j'étais malade. Pour les combattants de base, il n'y a pas de considération», dit-elle en précisant qu'elle avait eu vent en 2008 de la politique de récompenses mise en place par le ministère de la Défense pour les guérilleros qui déserteraient avec des otages - encore 700 aux mains des Farc, selon les autorités.

Miriam a aussi vu, à la télévision, Wilson Bueno, alias «Isaza», le combattant qui avait pris la fuite avec l'un des 29 otages politiques des Farc et qui a reçu pour cela plus de 400.000 dollars et un visa pour la France. Elle a décidé de l'imiter. «Je gardais trois otages et j'ai commencé à leur parler de fuite. Ils ne me croyaient pas. J'ai seulement pu partir avec l'un d'entre eux».