La présidente du Chili, Michelle Bachelet, ne sait plus où donner de la tête. Depuis lundi, plus de 450 000 fonctionnaires paralysent les services publics de ce pays d'Amérique du Sud. C'est la plus grosse grève de travailleurs qu'elle ait eu à affronter en trois ans au pouvoir, mais pas le premier pavé à tomber sur la tête de son gouvernement, de plus en plus contesté.

Dans le centre de la capitale chilienne, les poubelles et les immondices s'entassent. Aux frontières, des camions de marchandises attendent depuis deux jours. Dans les écoles publiques, il n'y a presque plus de professeurs. Et ce n'est vraiment pas le moment de faire des démarches administratives...

 

Au Chili, plus rien ou presque ne fonctionne normalement. Réclamant une augmentation de salaire de 14,5%, 15 syndicats de fonctionnaires, auxquels s'ajoutent chaque jour d'autres corporations, font la grève. Legs du climat économique mondial, l'inflation de 9,9% est au coeur de la revendication des grévistes. Membres de la classe moyenne chilienne qui a mis au pouvoir la présidente Bachelet en 2006, les fonctionnaires veulent récupérer leur pouvoir d'achat. Depuis la fin de la dictature d'Augusto Pinochet en 1990, les programmes sociaux s'adressent aux pauvres. Et la classe moyenne, estimée à 60% de la population, ne reçoit rien. Or, elle a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts, luttant quotidiennement pour ne pas tomber dans la pauvreté. Lors de son arrivée au pouvoir, Mme Bachelet avait promis de travailler à changer la donne. Mais des experts remarquent que les promesses sont restées lettre morte. «Le gouvernement n'a pas hésité à libérer une enveloppe de plus d'un milliard de dollars pour les banques du pays en réponse à la crise, mais il se refuse à ajuster les salaires médiocres des fonctionnaires sur l'inflation», remarque l'analyste économique Marcel Claude.

Hier, le Parlement serait arrivé à un accord avec le gouvernement: une majorité serait prête à voter pour une augmentation de 9,5% de tous les salaires, au lieu des 6,5% proposés en premier lieu par le gouvernement. Mais

dans la rue, la grève continue.

Course au leadership

Pendant que le pays tourne au ralenti, la coalition au pouvoir se déchire au sujet du candidat qui succédera à Michelle Bachelet lors de la prochaine élection présidentielle. Au Chili, un président ne peut obtenir deux mandats de suite. À un an de l'élection présidentielle et parlementaire, le choix du successeur est crucial étant donné que la droite, qui a remporté les élections municipales d'octobre dernier, gagne du terrain. La coalition de centregauche, au pouvoir depuis 18 ans, sent la soupe chaude. Et elle a fort à faire dans ses rangs. Elle doit présentement gérer une série de scandales. Sept fonctionnaires ont été licenciés récemment. Ils sont trempés dans des affaires de corruption au sein du ministère des Travaux publics. Par ailleurs, il y a quelques semaines, la ministre de la Santé, Maria Soledad Barria , a dû démissionner après que la presse chilienne ait dévoilé que 25 personnes n'ont pas été notifiées que leur test VIH était positif par l'hôpital d'Iquique, au Nord du pays. Certaines sont décédées parce qu'elles n'ont pu accéder à des soins, pourtant garantis par l'État. Et 1000 autres personnes seraient dans la même situation. La ministre antérieure avait plaidé non coupable, expliquant que c'était aux patients de venir chercher leurs résultats une fois le test réalisé, mais de nombreuses histoires, rendues publiques par les médias, démontrent que l'hôpital a aussi sa part de responsabilité. Telle cette mère de 25 ans dont le bébé est mort du sida. Durant la grossesse, on lui avait fait le test de dépistage. Mais jamais il ne lui aurait été remis. La maladie a été dépistée alors qu'il était déjà trop tard.