Le Venezuela ne cesse de resserrer ses liens avec l'Iran, une alliance controversée entre ces détracteurs de l'«empire américain», qui offre toutefois au président Hugo Chavez une audience sur la scène internationale, désireuse de contenir le programme nucléaire de Téhéran.

Banque binationale, accords énergétiques, usines mixtes: la coopération entre les deux pays s'est traduite par plus de deux cents projets d'investissement d'un montant supérieur à 7 milliards de dollars l'an dernier, selon le Conseil national de promotion des investissements (Conapri).

«L'Iran est aujourd'hui un allié stratégique du Venezuela. Nos relations, qui se sont nouées historiquement avec l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole), ont touché d'autres domaines, comme l'économie, la technologie et la culture», explique à l'AFP, Raymundo Kabchi, professeur à l'Institut des hautes études diplomatiques, un organisme officiel.

Au delà de l'économie, l'alliance a pris une tournure politique entre M. Chavez et son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui se considèrent comme des «frères». Le dirigeant iranien a présenté dimanche dernier la coopération bilatérale comme un «modèle des luttes anti-impérialistes».

«Quel risque peuvent présenter nos relations avec l'Iran et la Russie? Le seul risque pour le monde est l'existence de l'empire américain», a récemment lancé M. Chavez, qui a toujours soutenu le programme nucléaire de Téhéran et vient d'accepter de coopérer dans ce domaine avec Moscou.

Selon la politologue vénézuélienne Elsa Cardozo, sa relation avec l'Iran malgré les sanctions imposées par l'Onu est une forme de «défi». «C'est le jeu de Chavez, toujours à la limite de l'abîme», affirme-t-elle à l'AFP.

«Nous avons toujours eu des relations au sein de l'Opep, mais l'Iran d'aujourd'hui est beaucoup plus agressif et dangereux», estime pour sa part l'analyste Maruja Tarre.

D'autres pays latino-américains, comme le Brésil, le Mexique ou la Colombie, commercent avec l'Iran, sans susciter autant d'écho.

«L'idée est de disqualifier Chavez. Celui qui n'est pas soumis aux intérêts des Etats-Unis, (...) on dit qu'il est l'axe du Mal», ironise M. Kabchi.

Pourtant, cette alliance vient de lui valoir la reconnaissance diplomatique d'un des membres du Conseil de sécurité de l'Onu, la France, dont le chef de la diplomatie, Bernard Kouchner a sollicité la médiation dans le dossier du nucléaire iranien.

Cette demande prouve que «l'Europe croit en Chavez et en sa politique extérieure», se réjouit M. Kabchi.

Ce dernier avertit toutefois l'Europe et les Etats-Unis qu'ils ne pourront «utiliser» le président vénézuélien, qui a prévu une nouvelle visite avant la fin de l'année en Iran, pour convaincre la République islamique d'abandonner son programme nucléaire, officiellement destiné à des fins civiles.

«Chavez peut être un bon interlocuteur pour gommer les différends et rapprocher les positions dans une situation explosive qui menace la paix dans le monde», estime-t-il.

La démarche française a en revanche désorienté les ennemis du régime, à l'image de la lettre ouverte envoyée à la France par le groupe d'opposition vénézuélien 400", composé d'ex-ministres, de politiciens, d'intellectuels, d'entrepreneurs et d'artistes.

«Ce nouveau rapprochement diplomatique de votre pays avec le régime vénézuélien (...) favorise celui de ces deux régimes - le Venezuela et l'Iran - étroitement liés dans leurs objectifs de nuire à la paix dans le monde», souligne le groupe.

Selon l'expert vénézuélien en relations internationales Carlos Romero, la France a commis une «erreur» en sollicitant l'intervention du Venezuela, car elle «rompt le consensus au sein du Conseil de sécurité» de l'Onu.