(Mogadiscio) La Somalie a amorcé une refonte de son système politique, avec un accord signé dimanche entre le gouvernement et les États fédérés prévoyant l’instauration du suffrage universel direct à partir de 2024 et le passage à un régime présidentiel.

Cet accord, qui doit être approuvé par le Parlement, entend concrétiser la promesse – souvent répétée, mais jamais appliquée – d’un vote selon le principe d’« une personne, une voix » dès les élections locales prévues le 30 juin 2024.

Le principe de suffrage universel direct avait disparu après la prise du pouvoir par le dictateur Siad Barré en 1969 dans ce pays de la Corne de l’Afrique.

Les élections se déroulent jusqu’à présent selon un complexe processus indirect basé sur les clans qui structurent la société somalienne.

Ce système est source de luttes de pouvoir et d’instabilité qui, selon de nombreux observateurs, profitent à l’insurrection des islamistes radicaux shebab qui ensanglante le pays depuis 2007.

« Nous avons décidé de rendre la prise de décision au peuple afin que la voix du citoyen somalien devienne précieuse dans les questions relatives à son avenir », a déclaré le président Hassan Cheikh Mohamoud lors d’une conférence de presse dimanche, aux côtés de plusieurs dirigeants d’États fédérés.  

Nous devons sortir de la peur dans laquelle nous sommes piégés depuis 20 ou 30 ans et passer à la tenue d’élections démocratiques dans ce pays, une élection à “une personne, une voix”, tant au niveau fédéral qu’au niveau des États membres.

le président Hassan Cheikh Mohamoud

Au-delà du mode de scrutin, cet accord dessine une refonte plus large du système politique somalien, avec l’instauration d’un régime présidentiel à la place du régime parlementaire actuel.

Le texte prévoit que pour l’élection présidentielle, les électeurs voteront désormais pour un « ticket » composé d’un président et d’un vice-président, faisant disparaître le poste de premier ministre. Le prochain scrutin est prévu en mai 2026.

« Pas en avant »

Dans la capitale Mogadiscio, cette annonce a été accueillie avec espoir par les habitants.

Pour Abdulkadir Abdirahman Yusuf, « cet accord politique est un pas en avant ».

« Dans le passé, un petit groupe de personnes avait l’habitude d’élire nos dirigeants à huis clos, qu’on devait accepter que ça nous plaise ou non », ajoute un autre, Mohamed Ali Abdi, estimant que « si les gens ont la possibilité d’élire leurs dirigeants, alors ils pourront leur demander des comptes ».

Élu en mai 2022, Hassan Cheikh Mohamoud avait promis en mars que les prochaines élections nationales et régionales se tiendraient sur le principe d’« une personne, une voix ».

L’État semi-autonome du Puntland (nord) a amorcé le mouvement en organisant cette semaine des élections aux conseils de district selon ce principe. Ce scrutin a été cité en exemple par la communauté internationale.

Les élections aux conseils locaux serviront de base pour les élections au niveau national, qui se tiendront à la « proportionnelle avec liste fermée » et seront disputées par deux partis uniquement.

« Les deux partis politiques avec la majorité des voix [aux élections locales] seront des partis politiques nationaux qui concourront pour les sièges au Parlement et du président », explique le texte.

Étape

Cet accord a été conclu à l’issue de quatre jours de réunion du Forum consultatif national, réunissant Hassan Cheikh Mohamoud, le premier ministre Hamza Abdi Barre et les dirigeants des États fédérés. Le président du Puntland, Saïd Abdullahi Deni, n’était toutefois pas présent pour le signer.

Le texte constitue une étape majeure. Le prédécesseur de Hassan Cheikh Mohamoud avait affiché son souhait d’organiser des élections selon le principe d’« une personne, une voix », sans parvenir à le faire, sur fond de tensions avec certains États.

Depuis son élection, le président multiplie les initiatives pour tenter de sortir la Somalie de l’instabilité chronique dans laquelle elle vit depuis des décennies.

Il a notamment déclaré une « guerre totale » aux islamistes radicaux shebab, groupe affilié à Al-Qaïda qui combat depuis plus de 15 ans le gouvernement fédéral afin d’instaurer la loi islamique dans le pays.

Le président a lancé en septembre une offensive militaire, appuyée par la force de l’Union africaine (Atmis) et par des frappes aériennes américaines, qui a permis de reconquérir du terrain dans le centre du pays.

Le pays fait également face à une urgence humanitaire, causée par une sécheresse historique débutée fin 2020 et de violentes inondations ces dernières semaines.