Les carcasses décharnées de chèvres, d’ânes et de vaches sont devenues des images courantes dans le sud-est de l’Éthiopie, en proie à une sécheresse extrême. Faute d’eau et de pâturage, le bétail meurt, privant les habitants de leur source de revenus et de nourriture. La famine menace maintenant des millions de personnes en Afrique de l’Est.

« Quand la vie des gens dépend du bétail, si rien n’est fait pour prévenir les conséquences des sécheresses et aider les gens, c’est très, très difficile », dit le directeur d’Oxfam en Éthiopie, Gezahegn Kebede Gebrehana, joint par téléphone à Addis-Abeba.

L’organisme a à l’œil trois zones particulièrement affectées du pays. Par exemple, dans la région de Somali, dans le sud-est de l’Éthiopie, pratiquement pas une goutte de pluie n’est tombée depuis plus de 18 mois.

Les pays voisins de la Corne de l’Afrique sont aussi frappés par les temps arides. La Somalie est à risque de famine dans les six prochains mois, a averti le Programme alimentaire mondial de l’ONU, et au Kenya, un demi-million de personnes sont menacées par la faim.

En Éthiopie, de 5,5 à 6,5 millions de personnes vivent une grave insécurité alimentaire liée à la sécheresse, selon le bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).

Crise sur fond de crises

Il s’agit d’une nouvelle strate ajoutée à une situation humanitaire déjà fragile. Le conflit au Tigré, dans le nord de l’Éthiopie, a fait plus d’un demi-million de morts en deux ans, et il contribue à paralyser les services ailleurs au pays. Des violences interreligieuses secouent différentes communautés. La COVID-19 a apporté son lot de difficultés. Et la flambée planétaire des prix n’a pas épargné l’État d’Afrique de l’Est…

Les répercussions mondiales de la crise en Ukraine sont très visibles. On le ressent clairement, avec l’escalade des prix, parce qu’un pays comme l’Éthiopie est dépendant des exportations pour la nourriture. Et les prix du carburant grimpent de façon marquée. Les choses sont terribles, pour être honnête.

Gezahegn Kebede Gebrehana, directeur d’Oxfam en Éthiopie

Les prix négociés le matin par Oxfam pour différentes marchandises peuvent augmenter la journée même, illustre-t-il. Le prix du carburant rend aussi plus coûteux l’acheminement de l’eau potable en camion dans différentes régions du pays.

Changements climatiques

Le rude climat dans l’est de l’Afrique n’est pas nouveau. Mais depuis 2005, la sécheresse est devenue un phénomène plus fréquent, passant d’un épisode tous les six ans à un tous les trois ans, selon le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC).

Photo EDUARDO SOTERAS, Archives agence France-Presse

Depuis environ 18 mois, il n’a presque pas plu dans la ville de Hargududo, à 80 km de Gode. Les paysans ont perdu du bétail, source de revenus et de nourriture, et sont menacés par la faim.

Nous savons que ces sécheresses se répètent tous les deux ou trois ans, donc en plus de nos activités pour sauver des vies, nous croyons qu’il faut investir dans des activités qui vont accroître la résilience et les capacités des communautés pour faire face à une crise future.

Gezahegn Kebede Gebrehana, directeur d’Oxfam en Éthiopie

M. Gebrehana déplore que l’aide soit mobilisée par le conflit dans le nord du pays.

Photo EDUARDO SOTERAS, archives Agence France-Presse

Les conditions sont particulièrement difficiles pour les populations nomades de la région aride du sud-est de l’Éthiopie.

Les gouvernements sont bien au fait des changements climatiques, note Christopher Gore, professeur à la Toronto Metropolitan University. Ses travaux portent sur la politique et l’environnement, notamment en Afrique subsaharienne. « La communauté internationale regarde très attentivement et met en place différents programmes pour les fermiers, afin d’essayer de leur offrir du soutien pour s’adapter aux changements climatiques, pour changer les pratiques et introduire de nouvelles cultures plus adaptées au climat », dit-il.

Même dans les pays plus riches, la sécheresse soulève l’inquiétude. En France, par exemple, les agriculteurs craignent maintenant de perdre une partie importante des récoltes si la pluie n’est pas rapidement au rendez-vous.

Photo EDUARDO SOTERAS, Agence France-Presse

L’UNICEF a estimé en avril dernier que dans la Corne de l’Afrique, le nombre de ménages sans accès fiable à de l’eau potable avait presque doublé en deux mois.

Mais les pays comme l’Éthiopie, l’un des plus pauvres de l’Afrique et dont une large proportion de la population dépend de l’agriculture et du bétail, sont particulièrement vulnérables aux rigueurs du climat.

Et même les années plus pluvieuses ne règlent pas nécessairement le problème, rappelle M. Gore. « Une prédiction à long terme est qu’il y aura de forts volumes de pluie dans la région, mais pas sous une forme qui rend les choses meilleures ou plus faciles. Ce seront souvent des pluies intenses et destructrices, causant par exemple des inondations ou balayant les récoltes », dit-il, précisant que les sécheresses ne disparaîtront pas pour autant.

  • Déplacées par la sécheresse, environ 2700 familles vivent dans le camp Farburo 2, mis en place il y a quelques mois près de la ville de Gode, dans le sud-est de l’Éthiopie. Les températures avoisinent les 40 °C.

    PHOTO EDUARDO SOTERAS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Déplacées par la sécheresse, environ 2700 familles vivent dans le camp Farburo 2, mis en place il y a quelques mois près de la ville de Gode, dans le sud-est de l’Éthiopie. Les températures avoisinent les 40 °C.

  • Les puits sont asséchés faute de pluie.

    PHOTO EDUARDO SOTERAS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Les puits sont asséchés faute de pluie.

  • La malnutrition menace particulièrement les enfants. Selon l’UNICEF, entre février et avril 2022, le nombre d’enfants vivant les conséquences de la sécheresse – faim importante, malnutrition et soif – a augmenté de 7,25 millions à au moins 10 millions dans la Corne de l’Afrique.

    PHOTO EDUARDO SOTERAS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    La malnutrition menace particulièrement les enfants. Selon l’UNICEF, entre février et avril 2022, le nombre d’enfants vivant les conséquences de la sécheresse – faim importante, malnutrition et soif – a augmenté de 7,25 millions à au moins 10 millions dans la Corne de l’Afrique.

  • Au moins 3 millions d’animaux de bétail sont morts en Éthiopie et au Kenya en raison du dernier épisode de sécheresse.

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    Au moins 3 millions d’animaux de bétail sont morts en Éthiopie et au Kenya en raison du dernier épisode de sécheresse.

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Avec l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 1,5 million
    Animaux de bétail tués par la sécheresse actuelle en Éthiopie
    Source : OCHA
    10,5 millions
    Ménages sans accès à l’eau potable dans la Corne de l’Afrique
    Source : UNICEF