(Le Cap) Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, confronté à la désillusion d’un pays plongé dans un climat social et économique difficile, a promis jeudi dans son discours annuel sur l’état de la nation des mesures « décisives » pour éradiquer la corruption.  

Des conclusions d’une enquête de quatre ans sur la corruption pendant la présidence de son prédécesseur Jacob Zuma, entre 2009 et 2018, période surnommée dans le pays les « neuf années perdues », lui ont été récemment communiquées. Quelque 1400 pages et un dernier volet doivent lui être remis par la commission anticorruption du juge Rayomond Zondo d’ici la fin du mois. M. Ramaphosa devra ensuite annoncer d’éventuelles poursuites en justice.  

Mais déjà, le chef d’État a promis devant les parlementaires que « la lutte contre la corruption va gagner en intensité ». Cyril Ramaphosa a fait de la corruption son cheval de bataille notamment au sein du parti historique au pouvoir, l’ANC, nourrissant une guerre de factions. Il a toutefois lui aussi été appelé à témoigner devant la commission d’enquête anticorruption du juge Raymond Zondo.  

« Au plus tard le 30 juin, je présenterai un plan d’action », a-t-il affirmé, ajoutant « nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que cela ne se reproduise plus jamais ».  

Martelant que c’est maintenant l’heure « des comptes », le chef d’État s’est également engagé à renforcer la protection des lanceurs d’alerte, « qui constituent une garantie essentielle dans la lutte contre la corruption et prennent des risques énormes en dénonçant des actes répréhensibles ».  

En août, Babita Deokaran, 53 ans, employée régionale à la Santé et témoin clé dans une affaire de détournement de plusieurs millions d’euros dans le cadre de contrats d’achats de matériel de protection contre la COVID-19, a été tuée par balles à Johannesburg.   

« Symbole »

M. Ramaphosa a prononcé dans la soirée son discours solennel depuis l’hôtel de ville du Cap, et non au Parlement, ravagé par un incendie criminel en janvier. Un suspect a été inculpé.  

« Cet incendie est le symbole des ravages causés par la pandémie de COVID-19, la montée du chômage et l’aggravation de la pauvreté », a déclaré le président, qui a annoncé la préparation d’un texte de loi permettant la levée de l’état de catastrophe imposé depuis le début de la pandémie il y a près de deux ans. L’Afrique du Sud est le pays africain officiellement le plus touché par le virus avec plus de 3,6 millions de cas.  

Déjà en récession, l’économie de la première puissance industrielle du continent a été sévèrement frappée par la COVID-19. Le chômage a atteint un nouveau niveau record à 34,9 % et touche près de 65 % des jeunes.  

« Le chômage a été causé par une faible croissance, causée par un déclin à long terme de notre économie qui dure depuis un certain nombre d’années », a regretté M. Ramaphosa.

Un climat socio-économique qui a nourri en juillet les plus graves violences survenues depuis l’avènement de la jeune démocratie, à l’origine déclenchées par l’incarcération de Jacob Zuma.  

A 79 ans, l’ex-président a été condamné à une peine de prison ferme pour avoir obstinément refusé de témoigner devant le juge Zondo. Il est en liberté conditionnelle depuis septembre pour raison médicale. Les violences ont fait plus de 350 morts.  

Dans un rapport publié lundi, des experts chargés par le gouvernement d’enquêter sur ces émeutes affirment que les « luttes de factions au sein de l’ANC sont devenues une source sérieuse d’instabilité ».

« Le groupe d’experts a estimé que le cabinet doit assumer la responsabilité globale des évènements de juillet 2021. C’est une responsabilité que nous reconnaissons et acceptons », a déclaré Cyril Ramaphosa.

D’ici décembre, le Congrès national africain doit organiser ses élections, un vote interne qui a des allures d’élections générales et un autre défi pour l’actuel président qui devra demander au parti de le réélire à la tête de l’organisation, pour rester au pouvoir.