(Copenhague) Dénonçant « un jeu politique sale » de Bamako, le Danemark a annoncé jeudi le rapatriement de sa centaine de soldats déployés au Mali comme l’exigeait la junte malienne, un nouveau coup dur pour la force européenne antidjihadiste commandée par la France.

« Les généraux au pouvoir […] ont réaffirmé que le Danemark n’était pas le bienvenu au Mali. Nous ne l’acceptons pas et pour cette raison, nous avons décidé de rapatrier nos soldats », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Jeppe Kofod après une réunion au Parlement à Copenhague.

Nous sommes là à l’invitation du Mali. Les généraux putschistes — dans un jeu politique sale — ont retiré cette invitation […] parce qu’ils ne veulent pas d’un plan rapide de retour à la démocratie.

Le ministre des Affaires étrangères du Danemark Jeppe Kofod

Dans l’après-midi, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian lui a apporté son soutien.

« Junte illégitime » et « actes irresponsables »

« Cette junte est illégitime et prend des mesures irresponsables […]. Elle porte l’entière responsabilité du retrait des forces danoises et s’isole davantage encore de ses partenaires internationaux », a-t-il déclaré aux côtés de son homologue nigérien Hassoumi Massoudou à Paris.

Le ministre français a aussi dénoncé « l’obstruction » faite à la mission de la force de l’ONU (MINUSMA) au Mali et plus largement la « confiscation inacceptable » du pouvoir par les militaires, ainsi que le recours aux mercenaires du groupe russe Wagner pour « protéger une junte avide de pouvoir ».

Face à cette « double rupture » politique et militaire, les partenaires régionaux et internationaux du Mali vont devoir apporter une « réponse unanime, ferme, déterminée », a-t-il lancé. « Il faudra tirer des conséquences de cette situation », a-t-il martelé, sans préciser quel type de riposte il envisageait.

Le chef de la diplomatie française a par ailleurs annoncé « des discussions avec l’ensemble de nos partenaires » pour « tirer les conséquences de cette double rupture marquée par la junte, à la fois politique et militaire ».

Quel avenir pour la force d'intervention ?

Les pays contributeurs comptent échanger vendredi en visioconférence pour statuer sur l’avenir de Takuba, groupement de forces spéciales européennes créé en 2020 à l’initiative de la France, en vue de partager le fardeau au Sahel, et que le Danemark avait rejoint.

A la surprise générale, la junte au pouvoir au Mali depuis le coup d’État de 2020 avait demandé dès lundi au Danemark de retirer ses troupes, arrivées la semaine précédente, au motif que leur déploiement était « intervenu sans son consentement ».  

Copenhague avait rétorqué avoir répondu à une « invitation claire » du Mali. Mais le gouvernement malien de transition avait réitéré « avec insistance » sa demande dans la nuit de mercredi à jeudi. « Nous ne pouvons pas rester alors que le gouvernement du Mali ne veut pas de nous », a justifié la ministre de la Défense, Trine Bramsen, avant d’ajouter : « Nous ne voulons pas non plus être la risée de tous ».

L’armée danoise a jugé, dans un communiqué, qu’il faudrait « plusieurs semaines » pour ramener hommes et matériel.

Ce nouveau revers pour la force européenne antidjihadiste, qui avait demandé mercredi à la junte de « respecter les bases solides de la coopération diplomatique et opérationnelle », intervient en pleine dégradation des relations entre la France, à la tête de la coalition, et le Mali.

La crise s’est accélérée depuis que les militaires arrivés au pouvoir à la faveur d’un putsch en août 2020 sont revenus sur leur engagement initial d’organiser en février 2022 des élections qui auraient ramené les civils à la tête du pays. La communauté internationale s’inquiète aussi de la présence sur le sol malien de paramilitaires du sulfureux groupe de mercenaires russes Wagner.

La junte demande des excuses

Mardi, la ministre française des Armées Florence Parly a accusé la junte de multiplier « les provocations ». Un haut responsable de celle-ci lui a en retour donné le « conseil » de se taire, en évoquant, grinçant au possible, une « phrase d’Alfred de Vigny sur la grandeur du silence ».

L’arrivée des soldats danois, prévue depuis le printemps 2021, avait été annoncée le 18 janvier. Aguerrie par sa participation à la plupart des interventions militaires occidentales depuis 20 ans (Afghanistan, Irak, Libye…), l’armée danoise avait déjà envoyé ces dernières années des renforts au Mali, pour certains au sein de la MINUSMA — force de l’ONU — et pour d’autres au sein de la force française Barkhane, dont des hélicoptères.  

Les officiers danois de la mission onusienne ne sont pas concernés par la décision de jeudi.

Mercredi, la junte a estimé être en droit de recevoir « des excuses des autorités danoises » tout en évoquant la « très bonne réputation » du Danemark au Mali, en raison de son action en faveur du développement. « Nous les invitons à faire attention à certains partenaires qui ont du mal malheureusement à se départir des réflexes coloniaux », était-il écrit.

À Paris, le chef de la diplomatie nigérienne a pour sa part salué la « convergence totale de points de vue » entre Paris et Niamey. « Nous sommes déterminés à continuer cette lutte dans un cadre clair, dans des rapports civilisés avec des partenaires étatiques, pour combattre le terrorisme et vaincre le terrorisme », a déclaré Hassoumi Massoudou.