(Kampala) L’écrivain ougandais Kakwenza Rukirabashaija, accusé d’avoir insulté la famille du président Museveni, a été emmené mardi par des « hommes en civil » qui le détiennent illégalement, bien qu’un tribunal a ordonné sa libération sous caution, a affirmé son avocat.

Il a été exfiltré de la prison de haute sécurité de Kitalya, où il était détenu, et emmené vers une destination inconnue, a ajouté l’avocat, Eron Kiiza.

Un tribunal de la capitale Kampala avait ordonné mardi matin la libération contre une caution de 500 000 shillings ougandais (180 dollars canadiens) de l’écrivain de 33 ans, arrêté le 28 décembre.

Mais au lieu d’être relâché, il a été « enlevé » de sa prison, située à une cinquantaine de kilomètres de Kampala, par « des hommes en civil », selon M. Kiiza.  

PHOTO ABUBAKER LUBOWA, ARCHIVES REUTERS

Kakwenza Rukirabashaija a été inculpé le 11 janvier de « communication offensante » envers le président au pouvoir depuis 1986 Yoweri Museveni et son fils, Muhoozi Kainerugaba, dans une série de publications sur Twitter. Il y qualifiait ce général, que beaucoup voient comme le successeur de son père âgé de 77 ans, d’« obèse » et de « rouspéteur ».

« Environ quatre heures après l’audience (de ce matin), des hommes armés en civil sont venus à la prison et ont emmené Kakwenza, nous pensons au quartier général du SFC (les forces spéciales ougandaises, NDLR) à Entebbe », a-t-il déclaré à l’AFP.  

« Il nous faut retourner devant le tribunal », a-t-il ajouté.

Arrêté pour des tweets

Kakwenza Rukirabashaija — qui, selon ses avocats, a été torturé en détention — semblait fragile lorsqu’il a comparu par vidéoconférence à l’audience de mardi matin.

Un gardien de prison a déclaré au juge Douglas Singiza que Rukirabashaija « se plaignait de douleur » et demandait à rester assis.

Dans sa décision, le juge a prévenu l’écrivain que sa caution « s’effondrerait automatiquement » s’il parlait à la presse avant la fin de l’affaire et qu’il serait renvoyé en prison.

Il a également demandé aux procureurs de boucler leurs investigations d’ici vendredi et d’être prêts à exposer leurs arguments lors de la prochaine audience, prévue le 1er février.  

Des diplomates américains et européens assistaient à l’audience.

À l’extérieur du tribunal, Eron Kiiza a estimé devant les journalistes que les procureurs ne seraient pas prêts à temps. « Je doute qu’il (Rukirabashaija) fasse l’objet d’un procès complet », a-t-il déclaré.

Kakwenza Rukirabashaija a été inculpé le 11 janvier de « communication offensante » envers le président au pouvoir depuis 1986 Yoweri Museveni et son fils, Muhoozi Kainerugaba, dans une série de publications sur Twitter.  

Il y qualifiait ce général, que beaucoup voient comme le successeur de son père âgé de 77 ans, d’« obèse » et de « rouspéteur ».

« Marques évidentes de torture »

En marge d’une précédente audience vendredi, son avocat avait affirmé qu’il avait été torturé après son arrestation.

Il a estimé que les cicatrices constatées sur son client lors d’un examen médical à la prison, et figurant dans un rapport publié jeudi dernier, constituaient des « marques évidentes de torture ».  

Les États-Unis, l’Union européenne et des organisations de la société civile ont appelé à sa libération.  

Pourfendeur affiché du pouvoir ougandais, Kakwenza Rukirabashaija a publié en 2020 le roman satirique The Greedy Barbarian (« Le barbare cupide », non traduit en français), décrivant un pays imaginaire gangréné par la corruption. Salué par la critique, le roman a valu à Rukirabashaija le Prix PEN Pinter en 2021, attribué chaque année à un auteur persécuté pour avoir exprimé ses convictions.

Vu comme un réformiste lors de sa prise du pouvoir, M. Museveni a depuis sévèrement réprimé toute dissidence et a modifié la Constitution pour pouvoir se faire réélire sans discontinuer.