(Goma) Alimentant toujours la peur, les séismes se sont poursuivis mercredi à Goma, au pied du volcan Nyiragongo, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où des habitants recommençaient à fuir tandis que l’ONU « relocalisait » ses personnels.

Comme ces trois derniers jours, les tremblements de terre ont continué à intervalles réguliers, certains particulièrement forts, provoquant l’effondrement de nouveaux bâtiments à étages dans la ville et lézardes sur les murs des habitations.

Grosses fissures dans les routes

Des fissures apparues la veille sur le sol ou la chaussée se sont notablement élargies, gênant même par endroits la circulation automobile. Des dégâts sont également signalés à Gisenyi, ville rwandaise voisine, de l’autre côté de la frontière.

« Je suis très effrayée […] je ne parviens même pas à maîtriser mon cœur », a témoigné une habitante, Angélique Tumusifu : « Cette question du volcan ça me dépasse. Il y a des rumeurs d’éruption encore, après tous ces tremblements qui sont devenus si dangereux de jour en jour », a-t-elle confié.

Devant la persistance des séismes, des centaines d’habitants ont recommencé à fuir en voiture la ville dans l’après-midi, prenant la route du sud-ouest vers la région du Masisi, ou la direction de la frontière avec le Rwanda qui jouxte le sud de la ville. Beaucoup ont embarqué tout au long de la journée au port de Goma pour se rendre par bateau à Bukavu, sur la rive du lac Kivu, et s’y mettre à l’abri.

L’ONU a annoncé « relocaliser » hors de Goma ses personnels non essentiels, internationaux et nationaux. La plupart des organisations internationales et ONG, nombreuses dans la ville, ont déjà discrètement fait de même, réduit leurs personnels au strict nécessaire ou complètement évacué.

Plus de 269 séismes ont été enregistrés en trois jours à Goma, entre l’éruption samedi et mardi, selon une note de l’observatoire volcanologique local (OVG), avec un séisme enregistré avec une « magnitude 5,2 sur l’échelle de Richter ».

Selon cette note, « les données instrumentales acquises à l’OVG durant la journée (du 25 mai) indiquent une activité (sismique, produits volcaniques projetés, fissuration) observée dans le champ du volcan ». L’activité volcanique se poursuivrait donc, malgré la fin apparente de l’éruption dimanche avec l’immobilisation des coulées de lave.

Au fond du lac ?

Séjournant depuis lundi sur place, une importante délégation gouvernementale a pourtant affirmé mardi, se référant à ce même observatoire, que les tremblements de terre « ne sont pas magmatiques », qu’ils devraient baisser d’intensité, et que le danger d’une nouvelle éruption « s’éloigne ».

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L’activité volcanique vue des airs.

L’OVG a révélé dans la même note ne pas disposer actuellement « des équipements et des réactifs appropriés pour la prospection urgente du lac Kivu » pour en évaluer la profondeur.

Scénario catastrophe, gaz mortels

Un scénario catastrophe identifié depuis longtemps est une coulée atteignant ces eaux profondes (« éruption limnique ») pour libérer des gaz mortels qui éradiqueraient toute vie humaine dans la zone.

À ce jour, le bilan est de 32 morts depuis l’éruption samedi, dont une dizaine asphyxiées par les gaz toxiques en s’aventurant sur la coulée de lave encore fumante. Dans une évaluation humanitaire, le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a fait état, parmi ces victimes, de 24 personnes brûlées par la lave, et par ailleurs de « 40 adultes signalés disparus ».

La délégation gouvernementale a annoncé plusieurs mesures : prise en charge des obsèques des victimes, dons de 40 000 plaques de tôles, de vivres et de médicaments, visites de « réconfort », réparation d’urgence des infrastructures touchées.

La lave s’est écoulée samedi soir en deux directions depuis les flancs du volcan, une coulée s’immobilisant dans les faubourgs nord-est de Goma, l’autre coupant sur un kilomètre la route nationale 4 reliant Goma à Butembo, un axe régional majeur et vital pour l’approvisionnement de la ville.

Selon une évaluation humanitaire conjointe, entre 900 et 2500 habitations ont été détruites. D’après l’OCHA, ce sont plus de 4500 ménages (environ 20 000 personnes) qui se retrouvent sans abri, alors que « les secousses provoquent toujours la panique ».

Au moins dix quartiers sont privés d’eau courante, et une grande partie de la cité n’est plus alimentée en électricité. L’accès à l’eau potable est un souci majeur, aggravé par des poussières et cendres toxiques qui se mélangent aux eaux de pluie.

Des travaux ont débuté pour réhabiliter la route nationale 4 à la sortie nord, de même que pour réparer une ligne à haute tension coupée.