(Khartoum) Au moins 132 personnes ont été tuées au Soudan dans des affrontements tribaux depuis samedi autour d’El-Geneina, capitale du Darfour-Ouest, selon le gouverneur de cette région troublée où l’état d’urgence a été décrété.

« Selon les rapports médicaux, le nombre de morts est à présent de 132 », a indiqué lors d’une conférence de presse à Khartoum, Mohamed Abdallah Douma, le gouverneur de cette région frontalière du Tchad.  Un précédent bilan, publié mardi par le Comité central des médecins — fondé en 2016 pour représenter la communauté médicale soudanaise —, faisait état de 87 morts et 191 blessés.

M. Douma a ajouté que « la situation était désormais relativement stable », qu’il n’y avait « plus de combats », mais que le « pillage » continuait.

Les « miliciens » qui ont attaqué la ville viennent notamment « de pays voisins comme le Tchad et la Libye » et ils ont employé de « l’artillerie lourde » portant, pour certains, « des uniformes militaires »,  a-t-il précisé.

Les heurts ont éclaté lorsqu’un « groupe armé a attaqué des citoyens qui se rendaient en ville », en tuant trois, toujours selon le responsable. Les Nations unies avaient évoqué un incident similaire ayant provoqué des « affrontements entre la tribu Al-Massalit et les tribus arabes ».

« Aujourd’hui, la situation est plutôt calme, nous entendons des tirs irréguliers, mais nous restons toujours chez nous, nous ne sortons pas », a témoigné par téléphone, pour l’AFP, Mohamed Abdel Rahmane, un habitant d’El-Geneina.

Le Comité central des médecins a lui fait état dans un communiqué « d’ambulances (ayant) été visées par des tirs (jeudi) alors qu’elles tentaient de rejoindre les entrepôts de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ».

Depuis le 3 avril, une centrale électrique locale a notamment été détruite et un complexe hospitalier a été visé par une grenade.

Manifestation à Khartoum

Lundi soir, les autorités ont annoncé l’instauration de l’état d’urgence et le déploiement de l’armée au Darfour-Ouest.

Néanmoins, le gouverneur de la région, M. Douma, a affirmé que « pour l’heure, les forces de Khartoum n’ont pas été envoyées » sur place.

En janvier, deux semaines après la fin de la mission de paix conjointe de l’ONU et de l’Union africaine (Minuad) au Darfour, des affrontements similaires avaient fait plus de 200 morts, la plupart au Darfour-Ouest.

Dans la capitale Khartoum, des dizaines de personnes ont manifesté jeudi contre les violences au Darfour devant les locaux de l’ONU, a constaté un correspondant de l’AFP.

« Mettez fin à l’hémorragie à El-Geneina », « Désarmez les milices », pouvait-on lire sur les pancartes des protestataires.

« Si le gouvernement n’est pas capable de protéger les civils, que viennent les Casques bleus », a exigé Awatef Saleh, une manifestante âgée de 23 ans.

Pour Adam, un étudiant également venu manifester, le « gouvernement et la communauté internationale doivent endosser la responsabilité de protéger les civils, ceux qui tuent […] sont connus de tous ».

Le conflit au Darfour a éclaté en 2003 entre des forces du régime de l’ex-président Omar el-Béchir, destitué en avril 2019 sous la pression de la rue, et des membres de minorités ethniques s’estimant marginalisées.

Le pouvoir avait déployé des milices armées composées essentiellement de nomades arabes, accusées notamment de faire du « nettoyage ethnique ».

Les violences ont fait quelque 300 000 morts et plus de 2,5 millions de déplacés, essentiellement durant les premières années du conflit, selon l’ONU.

Le gouvernement de transition a signé en octobre un accord de paix avec plusieurs groupes rebelles, notamment du Darfour. Mais certains groupes insurgés de la région ne l’ont pas signé.