(Pemba) Dans le port mozambicain de Pemba, des familles attendent. Elles sont sans nouvelle de leurs proches, qui ont vécu la semaine dernière une sanglante attaque de commandos djihadistes, à 200 km au nord, dans la petite ville de Palma.

Morts ou vivants ? Cachés ou sauvés ? Les communications via portable restent quasiment impossibles. Des brouillages de l’armée, dit la rumeur. Alors les parents scrutent les réfugiés débarquant des quelques bateaux de pêche et autres navires, espérant y découvrir un visage familier.

Sur la plage, les autorités ont installé des barbelés. Ils redoutent que des djihadistes se cachent parmi les rescapés qui débarquent. Du coup, les familles restent derrière, contre des murs de maisons décrépites.  

« On ne sait pas du tout si les nôtres sont montés à bord des bateaux qui arrivent », confie Muza Momadi. Mais « on garde espoir », dit-elle à un photographe de l’AFP.  

L’attaque, qui a fait des dizaines de morts, s’est déroulée à seulement dix kilomètres du mégaprojet de site gazier piloté par le géant français Total, tout au nord du pays.  

« Ce n’est pas la plus importante » subie depuis que la guérilla djihadiste empoisonne la région, a déclaré le président Filipe Nyusi, s’exprimant pour la première fois sur cette attaque. Mais elle a un fort impact « en raison de sa proximité » avec le site industriel.

Mercredi soir, l’armée mozambicaine a lancé une offensive pour tenter de reprendre la ville aux mains des rebelles. « Nous sommes en train d’étendre notre contrôle », a affirmé aux journalistes le responsable des opérations militaires, Chongo Vidigal.  

En attendant, les déplacements de milliers de rescapés « s’accélèrent », alerte l’Organisation internationale des migrations (OIM). À pied, en bus, en bateau ou en avion. En une semaine, 8100 personnes sont arrivées dans les districts environnants, selon le bureau des affaires humanitaires de l’ONU.

Deux navires transportant plus de 1100 déplacés étaient attendus à Pemba, la capitale de la province pauvre et majoritairement musulmane de Cabo Delgado. Mais les contrôles de police ralentissent les débarquements.

Des jours et des nuits

« Nous aidons les familles à s’identifier » pour pouvoir « se tracer », explique à l’AFP Margarida Loureiro, employée du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).  

A l’aéroport, « ce sont surtout des femmes et des enfants qui arrivent dans de petits avions » de 25 places, précise-t-elle, estimant que le nombre de réfugiés va « continuer à augmenter » ces prochains jours.

« Des milliers se cachent encore dans le “bush”, espérant rejoindre à pied une zone sûre, ça peut prendre des jours », ajoute-t-elle.  

Des groupes se dirigeant vers la Tanzanie voisine ont rebroussé chemin, découragés par la traversée périlleuse du fleuve Ruvuma à la frontière, selon le HCR.

A 150 km à l’intérieur des terres, « le flux est constant, mais pas énorme car ils arrivent en petits groupes. Peu d’enfants, surtout des hommes qui ont pu marcher la distance », affirme le responsable d’une ONG internationale, sous couvert d’anonymat.

« Ils arrivent déshydratés, les pieds en bouillie » dans ces camps établis depuis des mois, qui « devraient pouvoir les absorber sans trop de problème, selon leur nombre dans les prochains jours », estime ce coordinateur.  

A Afungi, à proximité du site gazier, des centaines arrivent à pied, après s’être terrés des jours et des nuits. « Ils ne veulent qu’une chose : partir », explique la coordinatrice de MSF sur place, Sylvie Kaczmarczyk.

Ils ont faim, soif, sont en « état de choc ».

Certains sont blessés. Comme ce « bébé blessé par balle ». Des femmes enceintes arrivent « dans un état terrible ». L’une, en sang, a perdu son enfant. D’autres ont accouché en route, dans des conditions effroyables, « c’est déchirant », dit Sylvie Kaczmarczyk.

La province, qui subit les violences des groupes armés depuis octobre 2017, comptait déjà 670 000 personnes déplacées avant l’attaque de Palma. Le conflit a fait plus de 2600 morts, selon l’ONG Acled.