(Jangebe) Les parents des 317 adolescentes enlevées vendredi dans leur pensionnat du Nord-Ouest du Nigeria étaient toujours sans nouvelles de leurs enfants samedi, jour où d’autres otages, kidnappés mi-février dans le centre du pays, ont retrouvé samedi la liberté et leurs familles.

L’école pour jeunes filles de Jangebe, dans l’État de Zamfara, était totalement déserte samedi et seules quelques chèvres perçaient le silence de mort autour du pensionnat, où les 317 élèves ont été arrachées de leurs dortoirs par des hommes armés, dans la nuit de jeudi à vendredi.

À l’intérieur du bâtiment, il ne reste que des lits en métal superposés, de vieux matelas en mousse abîmés et des vêtements abandonnés, ont constaté des journalistes de l’AFP.

PHOTO AFOLABI SOTUNDE, REUTERS

À l'intérieur de l'école, on ne retrouve que de vieux matelas déchirés et des vêtements abandonnés.

Dans le village, les parents — dont certains en colère ont attaqué vendredi un convoi officiel voulant se rendre sur les lieux, blessant grièvement un journaliste local — attendent désormais résignés des nouvelles des équipes de secours lancés à la recherche des captives.

« J’aurais encore préféré que mes deux filles soient tuées », confie Abubakar Zaki, père de famille accablé par la douleur. « Au moins, je les aurais enterrées et je saurais qu’elles sont auprès d’Allah, plutôt que de les savoir entre les mains de bandits ».

Bello Gidan-Ruwa, un habitant de Jangebe resté auprès des parents, angoisse avec eux : « Personne ne sait comment sont traitées les filles ».

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Les adolescentes été kidnappées à l'intérieur de l'école pour jeunes filles de Jangebe.

« Le gouvernement dit qu’ils font des efforts, mais on le croira quand nous verrons que les filles sont de retour », poursuit le villageois.

«Traumatisés»

À plusieurs centaines de kilomètres au sud, des élèves, des professeurs et leurs proches, enlevés à la mi-février dans un pensionnat à Kagara, dans l’État du Niger, ont été libérés samedi et reçus par le gouverneur, Abubakar Sani Bello.

« En fait, ils n’étaient pas 42 otages comme nous le pensions, mais 38 », a expliqué à l’AFP Sani Idris, porte-parole du gouverneur de l’État du Niger, « tous sont sains et saufs, mais l’un d’eux a dû être hospitalisé, certains autres ont des blessures et sont encore traumatisés ».

M. Idris a assuré que les 38 otages, dont 24 enfants, pourraient regagner leurs foyers après des examens médicaux et psychologiques.

Les « bandits », comme les désignent les autorités, terrorisent les populations locales, mènent des kidnappings de masse contre rançon, pillent les villages et volent le bétail depuis plusieurs années, notamment dans le Nord-Ouest et le centre-Ouest du Nigeria.  

Mais dernièrement, ces bandes criminelles multiplient également les enlèvements d’élèves dans des écoles.

« Chantage »

Début décembre, 344 jeunes garçons avaient été enlevés dans un pensionnat de Kankara, dans l’État voisin de Katsina, avant d’être relâchés une semaine plus tard, après des négociations.

Les autorités nient payer une quelconque rançon aux ravisseurs, mais cela fait pourtant peu de doute pour les experts en sécurité qui craignent que cela ne mène à une multiplication des enlèvements dans ces régions minées par l’extrême pauvreté et peu ou pas du tout sécurisées.

Après ce nouveau kidnapping de masse vendredi, le président Muhammadu Buhari, très décrié face à la situation sécuritaire catastrophique dans le Nord du Nigeria, d’où il est originaire, a assuré qu’il ne « cèderait pas au chantage » des « bandits ».

Violences, extrême pauvreté et déscolarisation

Leur nombre est incertain, mais ces groupes armés attirent de plus en plus de jeunes désoeuvrés de ces régions dont plus de 80 % des habitants vivent dans l’extrême pauvreté.  

« On ne peut pas savoir exactement combien ils sont », explique à l’AFP Nnamdi Obasi, analyste Nigeria pour l’International Crisis Group (ICG). « Dans le seul État de Zamfara, on estime qu’il y a environ 40 camps » où les criminels vivent et se cachent, poursuit l’expert.  

Certains de ces groupes comptent des centaines de combattants, d’autres, seulement quelques dizaines. Certains ont tissé des liens forts avec les groupes djihadistes présents dans le Nord-Est, d’autres non.

Ces violences criminelles ont fait plus de 8000 morts depuis 2011 et forcé plus de 200 000 personnes à fuir leur domicile, selon un rapport d’ICG publié en mai 2020.

L’autre inquiétude est que la multiplication de ces kidnappings n’aggravent encore la déscolarisation, particulièrement des filles, dans cette région qui compte déjà le plus grand nombre d’enfants n’allant pas à l’école au monde, selon l’ICG.