(Khartoum) Le déploiement de troupes au Darfour a aidé à un retour au calme mardi dans cette région du Soudan après trois jours de heurts interethniques qui ont fait quelque 155 morts et déplacé des dizaines de milliers de personnes.

Mais les craintes de nouvelles violences persistent dans cette vaste région de l’ouest du pays, meurtrie par des années de conflit.

Le gouvernement de transition à Khartoum a envoyé des troupes au Darfour où les affrontements sanglants entre tribus rivales ont eu lieu un peu plus de deux semaines après la fin de la mission de paix conjointe de l’ONU et de l’Union africaine (MINUAD).  

Les heurts avaient débuté samedi à El-Geneina, la capitale du Darfour-Ouest, entre la tribu Al-Massalit et des nomades arabes. Au moins 100 personnes ont été tuées et 132 blessées, selon le gouverneur de l’État, Mohamed Abdalla al-Douma.

Les violences ont poussé quelque 50 000 personnes à fuir des secteurs dans et autour d’un camp de déplacés qui avaient été déjà poussés à quitter leurs foyers en raison de précédents conflits, selon l’ONG Save the Children.

Les autorités locales au Darfour-Ouest ont imposé un couvre-feu dans l’ensemble de l’État. Des troupes sont arrivées de Khartoum et d’autres États régionaux pour tenter de contenir la situation.  

« Il n’y a pas eu d’affrontements depuis dimanche, mais il y a eu des pillages, en particulier de maisons ou de fermes de gens vivant dans le camp de déplacés de Kerindig », a déclaré à l’AFP M. Douma.  

« La situation est calme dans l’État. Les forces de sécurité sont déployées autour d’El Geneina et Kerindig », a-t-il ajouté.

Craintes

Lundi, dans l’État du Darfour-Sud, des affrontements avaient opposé la tribu des Fallata à la tribu arabe des Rizeigat, faisant 55 morts et 37 blessés.

L’arrivée des troupes également dans cet État a contribué à rétablir l’ordre, selon l’agence de presse officielle Suna.

« La situation est calme dans notre village au Darfour-Sud », a dit à l’AFP le chef tribal Mohamed Saleh par téléphone. « Les gens restent toutefois tendus de crainte de nouvelles violences. »

Selon lui, il y a des civils parmi les morts.

Samedi au Darfour-Ouest un ressortissant américain, Sayid Ismail Baraka, dont la famille avait fui le conflit en 2003 au Darfour, a été tué dans les violences selon son frère Usumain Baraka.

Il était venu rendre visite à ses proches. « Il a été tué par balles devant sa famille par des miliciens qui sont entrés dans sa maison » à El Geneina, a ajouté son frère.  

Le conflit au Darfour avait éclaté en 2003 entre des forces du régime de l’ex-président Omar el-Béchir, destitué en avril 2019 sous la pression de la rue, et des membres de minorités ethniques s’estimant marginalisées.

Les violences ont fait quelque 300 000 morts et plus de 2,5 millions de déplacés, essentiellement durant les premières années du conflit, selon l’ONU.

« Protéger les civils »

Après un appel de l’ONU à la désescalade, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, a appelé sur Twitter le gouvernement « à assurer la protection des civils, traduire les coupables en justice, accélérer la mise en œuvre de l’accord de paix (avec des groupes rebelles) et coopérer étroitement avec la MINUATS ».

La MINUATS, une mission politique de l’ONU, aura pour tâche d’assister le gouvernement soudanais et d’aider à l’application des accords de paix dans d’autres régions ravagées par les conflits.

En octobre, le gouvernement de transition, mis en place après la chute de l’autocrate Omar el-Béchir, a signé un accord de paix avec plusieurs groupes rebelles, y compris des mouvements insurgés du Darfour. Mais certains groupes rebelles de cette région n’ont pas signé.

La MINUATS remplacera la Minuad, qui a achevé sa mission le 31 décembre après 13 ans au Darfour. Ses membres militaires et civils doivent se retirer par étapes dans un délai de six mois, alors que le gouvernement de transition a promis d’assurer la sécurité des habitants.

Si les violences n’opposent plus pouvoir aux rebelles au Darfour, les affrontements restent encore fréquents concernant l’accès à la terre et à l’eau, opposant éleveurs nomades arabes et fermiers darfouris.

M. Béchir, en prison depuis sa destitution, est mis en cause devant la Cour pénale internationale (CPI) pour génocides et crimes de guerre au Darfour. Il est actuellement jugé pour sa participation au coup d’État qui l’a mené en 1989 au pouvoir.