(Bangui) Le président centrafricain Faustin Archange Touadéra a été proclamé lundi réélu par la Cour constitutionnelle qui a toutefois reconnu que deux électeurs sur trois n’ont pas pu voter dans ce pays en guerre civile depuis huit ans et théâtre d’une nouvelle offensive rebelle.

La juridiction suprême a rejeté les recours en annulation du scrutin de 13 des 16 rivaux du chef de l’État sortant. Ils invoquaient des « fraudes massives » et l’impossibilité pour deux électeurs inscrits sur trois de voter, le 27 décembre, en raison de l’insécurité, dans un pays où les plus puissants des groupes armés contrôlent deux tiers du territoire et on lancé une nouvelle offensive une semaine avant le scrutin.

Avec 53,16 % des suffrages exprimés, M. Touadéra « est proclamé réélu président de la République au premier tour de l’élection du 27 décembre 2020 », a déclaré la présidente de la Cour constitutionnelle, Danièle Darlan. La Cour a toutefois abaissé le taux de participation à 35,25 %, loin des 76,31 % des inscrits annoncés le 4 janvier lorsque l’autorité nationale des élections avait déclaré provisoirement M. Touadéra réélu.

Un électeur sur trois

L’ancien premier ministre Anicet Georges Dologuélé est arrivé deuxième avec 21,69 % des voix.

M. Touadéra, professeur de mathématiques pures de 63 ans, avait été élu en 2016 à la surprise générale, alors que la guerre civile faisait rage. Elle a baissé d’intensité depuis 2018.

Au palais de justice de Bangui, quelques vivats ont accueilli la décision de la Cour constitutionnelle et des klaxons ont retenti, mais les rues de la capitale, comme ces derniers jours, sont généralement loin de l’animation habituelle, voire vides pour certaines, les habitants redoutant des incursions rebelles.  

La Cour constitutionnelle a annulé ou redressé les résultats de certains bureaux de vote pour des irrégularités, mais a jugé que, « compte tenu de l’ampleur de l’écart des voix », leur impact « n’a pas pu inverser les résultats ».

La juridiction a également écarté les nombreuses critiques de l’opposition, d’ONG et de politologues sur l’« absence de légitimité » d’un président désigné avec quelque 53 % des suffrages exprimés et alors que seul un électeur inscrit sur deux a eu la possibilité d’aller aux urnes.  

« Une partie du peuple centrafricain, en guerre, en a été empêchée par des actes de terreur […] et, malgré cela, le peuple a envoyé un message clair et fort à ceux qui les terrorisaient, à ceux qui lui disaient de ne pas aller voter et au monde entier », a plaidé Mme Darlan en lisant les attendus.  

Le 17 décembre, six des plus puissants groupes armés qui occupent les deux tiers de la Centrafrique, se sont alliés au sein de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), puis ont annoncé le 19, huit jours avant les élections présidentielle et législatives, une offensive dans le but d’empêcher la réélection du président Touadéra.

Ils se sont jusqu’alors heurtés à des forces bien supérieures en nombre et lourdement équipées : l’armée centrafricaine, quelque 12 000 Casques bleus de la force de maintien de la paix de la mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) et des centaines de militaires rwandais et de paramilitaires russes dépêchés par leurs pays, au début de l’offensive rebelle, à la rescousse de M. Touadéra.

Offensive rebelle

La principale coalition de partis de l’opposition, la COD 2020, a accusé dimanche le représentant de l’ONU dans le pays, Mankeur Ndiaye, qui s’en est défendu, d’avoir pris fait et cause pour M. Touadéra. Elle a réclamé une « enquête » de l’ONU, affirmant, sans produire de preuve, que la Cour constitutionnelle « aurait reçu des pressions » de l’envoyé du secrétaire général des Nations unies pour proclamer le sortant réélu.  

« Nous n’avons reçu aucune pression ni de la part du président de la République ni du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU ni d’aucune ambassade. La Cour a travaillé en toute indépendance », a réagi Mme Darlan lundi.

Depuis le début de leur offensive, les rebelles se livrent à des attaques sporadiques, mais parfois violentes, généralement loin de la capitale.

Mais mercredi, environ 200 membres des groupes armés ont tenté deux incursions simultanées aux portes de Bangui. Ces assauts ont été repoussés à l’issue de combats qui ont fait une trentaine de morts parmi les rebelles, selon le gouvernement et des sources onusiennes, et durant lesquels un Casque bleu rwandais a été tué.

Depuis décembre, quelque 60 000 Centrafricains ont fui les violences, a indiqué vendredi le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) à Genève. Pour la seule journée du 13 janvier, ce sont 10 000 personnes qui ont traversé le fleuve Oubangui pour trouver refuge en République démocratique du Congo (RDC).