(Maputo) Cinq mois après l’arrivée de soldats étrangers dans le nord du Mozambique, pour appuyer une armée débordée par les violences djihadistes, les groupes armés ont évolué dans leurs tactiques comme sur le champ de bataille.

Les attaques se poursuivent chaque semaine contre villages et civils, mais s’étendent vers les provinces voisines du Cabo Delgado, au nord du pays, et jusqu’en Tanzanie, selon témoins et experts de ce conflit meurtrier qui a déjà forcé plus de 800 000 personnes à quitter leur foyer en quatre ans.  

Décapitation et exécutions

La semaine passée, ces groupes ont incendié des dizaines de maisons, décapité une personne et en ont tué deux autres par balles dans la zone de Macomia, selon des riverains.  

Après avoir tiré à bout portant sur une femme âgée, ils ont jeté son cadavre dans un bâtiment en feu, ne laissant que des restes carbonisés à sa famille en deuil, a raconté Abudo Sitaupe.  

« Les gens cherchent à se réfugier ailleurs », a-t-il ajouté.

Ces groupes armés, qui ont juré allégeance au groupe État islamique, terrorisent cette région pauvre, à majorité musulmane depuis octobre 2017.

Une attaque soigneusement planifiée avait visé le port de Palma en mars, tuant des dizaines de personnes et provoquant des déplacements massifs.

Dans la foulée de cette attaque, des pays africains ont proposé leur aide.

Les voisins, Afrique du Sud en tête, et le Rwanda ont déployé des soldats, tandis qu’Américains et Européens formaient des cadres militaires.  

Mais lors des dernières attaques, pas de forces de sécurité en vue. « L’armée est pourtant stationnée dans le village voisin », remarque un témoin qui dit appartenir à un groupe d’autodéfense communautaire.

« Les gens du coin partent vers les villes », a dit Judite Paulino, commerçante à Macomia. « Ils ont peur ».

Petits groupes dispersés

« Il y a des rumeurs d’instabilité dans la province de Niassa, à Mecula, réglez cela rapidement », a dit le président mozambicain Filipe Nyusi, lors d’une cérémonie de remise de diplômes à des policiers vendredi.  

Les groupes armés ont recruté parmi les paysans et pêcheurs du coin, furieux de ne voir aucune retombée des investissements énormes réalisés depuis le repérage d’importantes réserves de gaz naturel offshore.

Avec 3100 combattants étrangers à ses côtés, le Mozambique a reconquis Palma et promis que la situation s’améliorait. La pétrolière française Total a des installations à 10 km de Palma, qui ont été fermées après la prise de la ville par les islamistes en mars dernier.

« La priorité des Rwandais est de protéger la zone autour des installations de Total », dit Johan Viljoen, chercheur à l’Institut pour la paix Denis Hurley. Rentré la semaine dernière d’une visite dans la région, il confirme avoir reçu des rapports faisant état d’attaques en Tanzanie et dans les provinces voisines.  

Pour Borges Nhamire, chercheur à l’Institut des études de sécurité à Pretoria, les groupes armés semblent s’être dispersés en petits groupes qui organisent maintenant des attaques dans une zone plus large.  

« C’était attendu, que le conflit évolue, que les insurgés se dispersent en petits groupes et trouvent un moyen de survivre », après la contre-offensive des militaires mozambicains et leurs alliés, dit-il. « La Tanzanie et la rive nord de la rivière Ruvuma ont aussi été ciblées ».

Hôpital attaqué

Dans la province de Niassa, un hôpital a été attaqué et des magasins pillés cette semaine, racontent des témoins. « Les gens ont la trouille, ils veulent partir », dit Carlitos Mucuna, qui vit à Mecula.

Plus de 3500 personnes ont été tuées, dont près d’une moitié de civils ont été tués depuis le début du conflit, selon l’ONG américaine ACLED.

Les forcées étrangères aident l’armée à reprendre des villes, mais très peu a été fait pour dialoguer avec la guérilla ou maîtriser ses chefs.

« Dans un sens, il fallait s’y attendre », dit Darren Olivier, directeur du bulletin African Defence. « Ni le Rwanda ni les pays voisins n’ont vraiment porté atteinte au leadership ou à la force du groupe, et ils ont pu se fondre dans des territoires ruraux plus profonds et mener des frappes opportunistes. »