(Conakry) Le chef de la junte en Guinée, le colonel Mamady Doumbouya, a prêté serment vendredi comme président de ce pays d’Afrique de l’Ouest pour une période de transition à la durée et au contenu toujours inconnus.

Le commandant des forces spéciales qui ont renversé le président Alpha Condé le 5 septembre, en uniforme d’apparat beige, portant béret rouge et lunettes noires, a juré devant la Cour suprême de « consolider les acquis démocratiques, de garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national ».

La cérémonie au palais Mohammed-V de Conakry, devant un parterre de personnalités guinéennes et de diplomates étrangers ainsi que sa mère et son épouse, se tenait à la veille de la fête nationale célébrant la déclaration d’indépendance de 1958 vis-à-vis de la France. Ce vendredi a été déclaré férié.

« Dans les jours à venir, un premier ministre sera nommé, suivi de la mise en place du gouvernement ainsi que des différents organes de la transition », a affirmé le colonel Doumbouya dans un message à la nation lu à la télévision vendredi soir.

Il a également annoncé la création d’« un organe de contrôle et de moralisation de la gestion publique » pour lutter contre la corruption.

Pour promouvoir la réconciliation nationale, « un mécanisme consensuel sera mis en place » dans lequel les Guinéens pourront notamment « se parler, se pardonner et définir ensemble les solutions permettant de bâtir une nation plus unie et plus forte », a ajouté le président de transition.

Lors de sa prestation de serment, il s’était de nouveau engagé au respect par la Guinée, pays pauvre, mais aux considérables ressources minières, de tous ses « engagements nationaux et internationaux ».

PHOTO CELLOU BINANI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le colonel Mamady Doumbouya avec sa femme et sa mère

Le colonel Doumbouya a par ailleurs assuré que, comme prévu par la « charte » de la transition, sorte d’acte fondamental publié lundi, ni lui ni aucun membre de la junte ou des organes de transition ne serait candidat aux futures élections.

Avant de lui faire prêter serment, le président de la Cour suprême Mamadou Sylla a comparé la tâche du colonel Doumbouya au pilotage d’un navire « chargé de beaucoup d’évènements douloureux, d’exigences nombreuses et d’attentes immenses et urgentes ».

Il l’a appelé à ne pas se laisser dérouter « par la force des vagues de la démagogie et la tempête du culte de la personnalité ».

La Cédéao inquiète

Après deux coups de force au Mali voisin, le colonel Doumbouya a conduit le troisième putsch en un an en Afrique de l’Ouest, réalisé en quelques heures au prix d’un nombre indéterminé de vies humaines, les médias faisant état d’une dizaine à une vingtaine de morts.

Ce coup d’État s’inscrit dans l’histoire tourmentée de ce pays éprouvé, dirigé pendant des décennies depuis l’indépendance par des régimes autoritaires ou dictatoriaux.

Largement condamné par la communauté internationale qui réclame la libération de M. Condé, 83 ans, il a en revanche été salué par des scènes de liesse parmi une population exaspérée par la pauvreté, la corruption et la répression du régime déchu.

Dans l’assistance figuraient vendredi les ambassadeurs de Chine et de Russie et de pays africains, ainsi que le président de l’organe législatif de transition au Mali, le colonel Malick Diaw. Plusieurs pays occidentaux avaient limité leur présence à des diplomates de rang moindre.  

Le colonel Doumbouya a assigné pour mission à cette transition une « refondation de l’État », la rédaction d’une nouvelle Constitution, la lutte contre la corruption, la réforme du système électoral, l’organisation d’élections « libres, crédibles et transparentes » et la « réconciliation nationale ».

La junte a dit qu’elle rendrait le pouvoir aux civils après des élections à la fin d’une période de transition. Mais elle n’a jamais précisé la durée de cette transition, qui doit encore être fixée d’un « commun accord » entre les militaires et les forces vives du pays, ni précisé ses plans.

La Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), inquiète de l’instabilité et d’un effet de contagion des coups d’État, a réclamé des élections présidentielles et législatives sous six mois. Elle a décidé de geler les avoirs financiers des membres de la junte et de leur famille et de les interdire de voyage.

La « charte » de la transition confirme le colonel Doumbouya comme le nouvel homme fort de la Guinée, « chef de l’État et chef suprême des armées », qui « détermine la politique de la Nation » et qui « peut prendre des ordonnances ». Il nommera par décret un premier ministre de transition, qu’il pourra révoquer.