Après des mois passés dans les camps soudanais, des dizaines de milliers de réfugiés qui ont fui la guerre du Tigré dans le nord de l’Éthiopie risquent maintenant d’être contaminés par l’hépatite E. Alors que le conflit s’enlise, les groupes humanitaires alertent la communauté internationale sur les conditions « catastrophiques » des camps.

Depuis un mois, des éclosions d’hépatite E menacent les réfugiés éthiopiens, qui sont plus de 50 000 à vivre dans les camps dans l’est du Soudan. Ce sont surtout les gens immunosupprimés et les femmes enceintes qui sont touchés par la forme sévère de cette maladie virale, qui atteint le foie.

« Pour celles qui en sont au troisième trimestre de grossesse, on parle d’un taux de mortalité de 10 à 30 % », explique Kate Zinszer, professeure adjointe de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

En date du 29 juillet, 466 cas de la maladie ont été recensés dans ces camps pour réfugiés, situés dans les États de Gedaref et de Kassala. Fatigue, vomissements et jaunisse sont quelques-uns des symptômes de l’hépatite E.

La maladie se propage par la contamination de l’eau potable par les selles des individus infectés, explique Jean-Nicolas Dangelser, chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) au Soudan.

Le problème qu’on a depuis le début dans les camps est un manque clair d’approvisionnement en eau et surtout, sur le plan sanitaire, le nombre de latrines est complètement insuffisant.

Jean-Nicolas Dangelser, chef de mission de Médecins sans frontières au Soudan

M. Dangelser déplore le manque de coordination de la communauté internationale pour régler la situation à temps.

Avec la saison des pluies qui bat son plein, il redoute que les inondations ne déplacent les déjections vers d’autres parties des camps et que la maladie ne s’y répande. Présents sur les lieux, les équipes de Médecins sans frontières ont mis en place des cliniques et traitent l’eau.

Les installations d’Oum Rakouba et de Tunaydbah accueillent chacune plus de 20 000 Éthiopiens qui ont fui le Tigré, où la guerre fait rage depuis novembre. Des milliers de morts auraient péri dans le conflit jusqu’à présent. Les combats s’étendent aussi à la région voisine d’Afar.

Après la tenue d’élections non autorisées par le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) en novembre, le premier ministre Abiy Ahmed a lancé une offensive contre la région, qui aspire à l’indépendance. Rappelons que ce dernier avait reçu le prix Nobel de la paix en 2019, en raison du rapprochement avec l’Érythrée après des années de conflit.

« Pas d’avenir dans ces camps »

Face aux mauvaises conditions dans les camps, beaucoup décident de retourner au Tigré pour retrouver leur famille restée là-bas. D’autres repartent vers la Libye, dans l’espoir d’atteindre l’Europe. « La population dans les camps est très jeune et il n’y a aucune option pour continuer les études ici, déplore Jean-Nicolas Dangelser. Il n’y a pas d’avenir dans ces camps, les conditions sont assez catastrophiques. »

Les réfugiés éthiopiens vivent dans l’inquiétude constante du sort de leurs proches restés au pays, souligne Martin Plaut, spécialiste de la corne de l’Afrique affilié à l’Université de Londres. En plus de la guerre qui sévit, les habitants du Tigré sont en proie à la famine. L’aide humanitaire peine à accéder à la région.

La situation pourrait être aussi grave qu’en 1984-1985, où 400 000 Éthiopiens sont morts. C’est sérieux à ce point.

Martin Plaut, spécialiste de la corne de l’Afrique affilié à l’Université de Londres

Le conflit n’est pas sur le point de se régler, estime Martin Plaut. « Jusqu’à ce que le gouvernement éthiopien change d’idée et décide de négocier, rien ne se produira », souligne-t-il.

Plus tôt la semaine dernière, des habitants ont affirmé avoir vu des corps flotter dans la Tekezé, sous-affluent du Nil qui sépare l’Éthiopie du Soudan. « Les corps que j’ai vus [lundi] portaient des blessures et avaient les mains liées », a déclaré à l’Agence France-Presse un témoin joint par téléphone. Sur Twitter, le gouvernement éthiopien a nié les allégations de massacre.

En chiffres

350 000 : Nombre de personnes en proie à la famine au Tigré.

Source : Organisation des Nations unies

100 : Nombre de camions d’aide alimentaire qu’il serait nécessaire d’envoyer par jour au Tigré, selon le secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires, Martin Griffiths.

Source : Agence France-Presse