(Johannesburg) Les émeutes et pillages qui ont récemment secoué l’Afrique du Sud et fait plus de 200 morts, ont été « planifiés et coordonnés » dans l’objectif de provoquer « une insurrection » et déstabiliser le pays, a accusé vendredi le président sud-africain Cyril Ramaphosa.

Pendant plusieurs jours, la région côtière du Kwazulu-Natal (KZN, Est) et la capitale économique Johannesburg, ont été prises dans un tourbillon de vols et de violences. Les premiers incidents, pneus brûlés et routes bloquées, ont éclaté la semaine dernière en pays zoulou, au lendemain de l’incarcération de l’ex-président Jacob Zuma, condamné pour outrage à la justice, dans cette région qui est son bastion.  

Les violences se sont ensuite étendues, sur fond de crise économique et de chômage endémique : entrepôts, usines et centres commerciaux ont été méthodiquement pris d’assaut par des pillards. Au total, 212 personnes ont trouvé la mort, dont 180 en pays zoulou.

« Ceux qui sont derrière ces actes ont cherché à provoquer une insurrection populaire », a déclaré M. Ramaphosa dans un discours retransmis à la télévision vendredi soir. Affirmant qu’il était désormais clair qu’il s’agissait d’« une attaque délibérée, coordonnée et bien planifiée », il a ajouté que l’objectif des instigateurs était de « paralyser l’économie, provoquer une instabilité sociale et affaiblir gravement » l’État.  

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Le président sud-africain Cyril Ramaphosa

« Ils ont cherché à manipuler les pauvres et les personnes vulnérables pour leurs propres intérêts », a-t-il ajouté, sans préciser davantage ses accusations.  

Vendredi la situation est toutefois revenue à la quasi normale à Johannesburg, aucun incident n’étant à signaler au cours des dernières 24 heures, selon les autorités.  

Admettant que le gouvernement était « mal préparé à une opération orchestrée de violence, destruction et sabotage de cette nature », M. Ramaphosa, qui s’est rendu plus tôt dans la journée dans le KZN, a assuré que « tout sera fait pour traduire ces personnes devant la justice ».

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Des vols ont eu lieu au centre commercial Letsoho Shopping Centre de Katlehong, à l’est de Johannesburg, le 12 juillet.

La police enquête sur 12 personnes soupçonnées d’être derrière le déchaînement de violences, l’une d’entre elles a déjà été placée derrière les barreaux. Au total, plus de 2500 personnes ont été arrêtées à ce jour.

Les experts en sécurité s’accordent à dire que la police et les services de renseignement ont failli à prévenir les récents évènements. Les autorités ont été « prises au dépourvu », a déclaré à l’AFP le spécialiste en sécurité de l’Institute for Security Studies (ISS), Gareth Newham.

Pas de panique

Depuis quelques jours, des craintes de pénuries de carburant et de nourriture se sont emparées de certains habitants. À Durban, sur l’océan Indien, de longues queues ont continué à se former devant les supermarchés.  

« Il n’y a pas de pénurie de nourriture ou de marchandise dans la plupart des régions du pays », a assuré Cyril Ramaphosa, appelant à ne pas aggraver la situation en multipliant les achats de précaution.  

Le président a également mis en garde contre ceux qui seraient tentés de faire justice eux-mêmes. Ces derniers jours, des groupes de résidents parfois armés se sont organisés en patrouilles, pour protéger leurs quartiers, menant à de violents dérapages.  

À Phoenix près de Durban, où au moins 20 personnes ont été tuées depuis le début de la semaine sur fond de tensions raciales, des hommes munis de machettes et fusils montent la garde à l’entrée du township, se réchauffant à la chaleur des braseros. « Vous pillez ? Alors on tire », a lancé à l’AFP un homme masqué.

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Des membres de la communauté du township de Phoenix, au nord de Durban, ont bloqué une route en incendiant des pneus, le 15 juillet.

« Nous devons nous garder du “vigilantisme” et de tout ce qui pourrait attiser davantage les tensions », a averti Cyril Ramaphosa, appelant à s’appuyer sur les forces de sécurité.  

Pour l’instant, 10 000 soldats sont déployés pour tenter de ramener le calme, au total 25 000 viendront épauler la police. Selon un premier état des lieux officiel, plus de 160 centres commerciaux ont été attaqués, 11 entrepôts, 8 usines et 161 commerces d’alcool.

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Des soldats ont procédé à l’arrestation de voleurs au centre commercial Jabulani Mall, à Soweto, le 13 juillet.

Par ailleurs, des responsables de santé tout comme l’OMS s’inquiètent que les récents mouvements de foule ne provoquent un pic des contaminations de COVID-19, en pleine troisième vague en Afrique.

À Johannesburg, beaucoup ont continué à déblayer, nettoyer les gravats, ont constaté des journalistes de l’AFP. Mais les dégâts sont considérables et peu de commerçants étaient assurés.