(Beni) Deux bombes artisanales ont explosé dimanche dans la ville de Beni, dont une à l’intérieur d’une église, une première dans cette région de l’est de la République démocratique du Congo, où sévit le meurtrier groupe armé ADF, affilié aux djihadistes de l’État islamique selon les États-Unis.

Le maire de Beni, un policier, le colonel Narcisse Muteba, a décrété dimanche soir un couvre-feu dans la ville.

« Je ne veux voir personne dans la rue, que tout le monde se barricade parce que d’après les informations à notre disposition, il y a quelque chose qui se prépare encore. Je ne veux voir que des policiers et des militaires dans les rues », a déclaré à la presse le colonel Muteba.

Une première bombe a détonné dans la matinée à 6 h (4 h GMT).

« C’est une bombe artisanale », placée à l’intérieur d’une église catholique assomptionniste, a déclaré le colonel Narcisse Muteba Kashale, maire de Beni-Ville et policier.

Deux femmes ont été blessées, l’explosion ayant eu lieu avant l’heure d’affluence des fidèles pour une importante cérémonie de sacrement de confirmation aux enfants, a précisé le vicaire général de Beni, monseigneur Laurent Sondirya.

« Ils ont visé une grande foule parce que la cérémonie va réunir des enfants, leurs parents et des fidèles », a expliqué le prélat catholique. « La messe pour administrer le sacrement de confirmation ne sera pas reportée », a martelé Mgr Sondirya.

Le porteur d’une bombe tué

Des traces de sang étaient visibles à l’entrée de l’église, a constaté un correspondant de l’AFP. Des éclats de vitres et des morceaux de bois étaient éparpillés à l’intérieur, à côté d’appareils de sonorisation très endommagés.

« Je venais d’entrer dans l’église, à peine je voulais m’asseoir j’ai entendu boum […]. Du sang a commencé à couler de ma bouche. J’ai perdu quatre dents », a témoigné sur son lit d’hôpital Antoinette Kavira, l’une des victimes, également blessée aux bras.

C’est la première fois qu’un édifice appartenant à l’Église catholique, religion la plus importante dans la ville, est directement ciblé dans le territoire de Beni, où sévit le groupe armé musulman des Forces démocratiques alliées (ADF), qui terrorise la population par ses massacres et ses décapitations.

Quelques heures plus tard, vers 19 h 30, le porteur d’une deuxième bombe a été tué dans l’explosion de son engin près d’un bar où une dizaine de personnes buvaient de la bière, dans la commune de Rwenzori, a indiqué le colonel Narcisse Muteba.

Samedi, une bombe avait déjà explosé en périphérie de la ville, à côté d’une station d’essence, sans faire des dégâts. « C’était une bombe artisanale cachée sous un camion-remorque qui avait explosé, mais mes services ont cru qu’il s’agissait d’une crevaison. Mais ce matin, j’ai constaté qu’il y avait des éclats exactement comme dans l’église », a indiqué le colonel Muteba.

Djihadistes de l’État islamique

La région est terrorisée depuis des années par le groupe armé ADF, qui ne revendique jamais ses attaques.  

À l’origine des rebelles musulmans ougandais, les ADF ont fait souche depuis plus de 25 ans dans cette partie de l’est de la RDC, dans la province du Nord-Kivu. Ils ont cessé leurs opérations contre l’Ouganda voisin et sont accusés d’avoir massacré des milliers de civils.

Le 11 mars, les États-Unis ont placé les ADF parmi les « groupes terroristes » affiliés au groupe État islamique (EI). De nombreuses questions se posent depuis lors sur la réalité et la profondeur de leurs liens supposés avec l’EI.

Depuis 2019, l’EI a revendiqué, images à l’appui et sur ses canaux de communication habituels via les réseaux sociaux, certaines des attaques attribuées aux ADF.

Le 6 mai, le président Félix Tshisekedi a décrété l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri en vue de mettre un terme aux activités meurtrières de la centaine de groupes armés locaux et étrangers recensés dans l’Est congolais par le Baromètre sécuritaire du Kivu. Les ADF sont le plus meurtrier de ces groupes.

Mi-juin, le président Tshisekedi s’est rendu à Beni, où il a appelé la population à « collaborer » avec les forces de sécurité face aux ADF, un « ennemi sournois ».