(Goma) Une coulée de lave venue du volcan Nyiragongo, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), a atteint l’aéroport de la ville de Goma, sur le versant sud du volcan, a indiqué un responsable local.

« La situation s’est aggravée », constate dans un message à ses personnels, dont l’AFP a eu copie, un responsable du parc national des Virunga, où est situé le volcan.

« Outre la coulée de lave vers le Nord-Est (Kibumba/Rwanda), une autre coulée descend aussi sur la ville. Elle a maintenant atteint l’aéroport et, en toute logique, elle va descendre vers le lac » Kivu, constate ce responsable.

« L’éruption du Nyiragongo est à présent similaire à celle que nous avons connue en 2002 », observe-t-il, demandant à toutes les personnes résidant à proximité de l’aéroport « d’évacuer sans délai ».

À « ce stade, les autres quartiers de la ville ne sont pas en danger car il nexiste pas de coulée qui peut les atteindre », a cependant préciser cette source.

PHOTO RAPHAEL KALIWAVYO RAKS-BRUN, ASSOCIATED PRESS

La précédente éruption majeure du Nyiragongo remonte au 17 janvier 2002. Elle avait causé la mort de plus de cent personnes, couvrant de lave quasiment toute la partie est de Goma, y compris la moitié de la piste de l’aéroport.

Selon un scénario qui pourrait s’avérer semblable à l’éruption de ce samedi, la lave s’était lentement écoulée vers la ville, qu’elle avait coupée en deux pour se déverser dans le lac Kivu.

Dans la nuit de samedi à dimanche, d’impressionnantes images diffusées sur les réseaux sociaux, mais non vérifiées de source indépendante, montraient des habitations en feu, lentement avalées puis englouties par la lave rougeoyante en fusion, dans la périphérie nord-est de Goma, notamment dans le quartier de Buhene.

« Cette coulée passe sur le tracé de la coulée de 2002 », a estimé, dans une intervention à la presse également diffusée sur les réseaux, un volcanologue local de l’Observatoire de volcanologie de Goma, Mahinda Kasereka.

« A Mutaho la vitesse de la coulée était très grande. Maintenant ça prend la direction vers le sud, c’est à dire vers Goma. La vitesse diminue au fur et à mesure », a-t-il expliqué, appelant à « rester vigilant » même si « l’intensité des tremblements de terre est faible ».

Le gouvernement a ordonné samedi soir l’évacuation de la ville, après le début de l’éruption du Nyiragongo vers 19 h locales. La population a fui en masse vers le Rwanda voisin, ou prenant la route de l’ouest, vers la région du Masisi.

Dans un message diffusé sur twitter dans la nuit, le président congolais Félix Tshisekedi a annoncé avoir « décidé d’interrompre son séjour en Europe pour rentrer dès ce dimanche au pays afin de superviser la coordination des secours aux populations des zones menacées par cette éruption volcanique ».

« À pas de tortue »

L’électricité a été coupée dans une grande partie de la ville et des milliers d’habitants, souvent en famille, se dirigeaient dans le désordre à pied, à moto ou en voiture vers la frontière rwandaise toute proche.

PHOTO GUERCHOM NDEBO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les habitants de Goma fuient la ville qui est en partie privée d’électricité.

Les habitants de Goma fuient la ville qui est en partie privée d’électricité.

« Les gens partent ou se préparent à partir », a déclaré un autre habitant, tandis que ne cessait de grossir le flot des gens en fuite, matelas sur la tête, colis et enfants dans les bras, voitures klaxonnant.

La population prenait la direction du poste-frontière avec le Rwanda, dans la partie sud de la ville, ou la route de l’ouest vers Sake, vers la région congolaise du Masisi. Goma jouxte la frontière et la « grande barrière », le poste-frontière entre les deux pays, est situé dans le sud de la ville.

« Il y a beaucoup de monde sur la route, beaucoup de voitures, c’est la fuite », a raconté à l’AFP un habitant ayant embarqué sa famille dans sa voiture pour emprunter cette route du Masisi, vers Sake.

PHOTO ALEX MILES, AGENCE FRANCE-PRESSE

« Ça avance à pas de tortue, sur trois ou quatre voies. Les voitures sont remplies d’effets personnels, des matelas dans les coffres ou sur les toits. », a-t-il témoigné : « Il y a des enfants, des femmes, des vieux qui sont à pied et la pluie s’invite, c’est compliqué ».

Selon un document interne de la mission de la Monusco, un hélicoptère onusien en vol de reconnaissance « a confirmé des activités d’éruption sur le Nyiragongo », estimant dans un premier temps que, la coulée de lave coulant vers le Rwanda, la ville de Goma et ses environs étaient « à l’abri ».

Mais dans un second « flash report », la Monusco, après un autre vol de reconnaissance, a indiqué que la lave « se dirigeait vers l’Est, mais également le Sud-Est du volcan, y compris en direction de l’aéroport », dans la partie nord de la ville.

Goma abrite un important contingent de Casques bleus et de nombreux membres du personnel de la Monusco. Elle est la base de nombreuses ONG et organisations internationales.

Plusieurs avions basés à l’aéroport, appartenant à la Monusco et à des compagnies privées, ont décollé dans la soirée pour évacuer, selon une source aéroportuaire.

« Chaque personne dans la ville sait comment se comporter pendant l’éruption. […] Il ne faut pas paniquer », a déclaré sur les radios locales Joseph Makundi, coordonnateur de la protection civile au Nord Kivu.

Située dans la province du Nord-Kivu, voisine de l’Ouganda, la région de Goma est une zone d’intense activité volcanique, avec six volcans, dont le Nyiragongo et le Nyamuragira qui culminent respectivement à 3470 et 3058 mètres.

Une des caractéristiques de ces deux volcans sont les « éruptions douces », relativement fréquentes, des flux de lave s’écoulant par les flancs et non par une explosion dans le cratère. Ce fut le cas au moment de l’éruption de janvier 2002.

Dans un rapport daté du 10 mai, l’Observatoire volcanologique de Goma appelait à la « vigilance », alors que « l’activité séismovolcanique au niveau du Nyiragongo » avait « augmenté », méritant « une attention particulière de surveillance ».