(Mogadiscio) Des combattants pro-opposition lourdement armés contrôlaient lundi certaines zones de Mogadiscio au lendemain d’affrontements avec l’armée somalienne, ranimant le spectre des combats urbains entre factions claniques rivales, qui ont ravagé la capitale dans le passé.

Des coups de feu ont encore résonné sporadiquement dimanche soir à Mogadiscio, mais n’étaient plus audibles lundi, même si une forte tension régnait.

Dans la nuit, des hommes armés ont érigé, dans plusieurs fiefs de l’opposition, des barrages — parfois de tas de sable et de troncs d’arbres — qu’ils surveillent avec des véhicules équipés de mitrailleuses.

« Les forces armées somaliennes et les combattants pro-opposition ont chacun pris position le long de certaines routes clés, certains transports publics circulent, mais, dans certaines zones, ils ne permettent à personne de bouger », a déclaré à l’AFP Abdullahi Mire, un habitant de Mogadiscio.  

Dimanche, une manifestation de partisans de l’opposition contre l’extension du mandat du président Mohamed Abdullahi Mohamed, dit « Farmajo », accompagnés d’hommes armés, a été émaillée d’échanges de tirs avec les forces de sécurité somaliennes dans plusieurs quartiers.

Trois personnes — deux policiers et un milicien d’opposition — ont été tuées dans les affrontements, a indiqué la police lundi.

« Il suffit qu’un soldat à la gâchette facile tire sur le camp d’en face pour que tout dérape », a prévenu Omar Mahmood, analyste pour la Somalie à l’International Crisis Group (ICG). « Et chaque éruption de violence de ce type élargit le fossé entre les parties et rend tout type d’accord d’autant plus difficile », a-t-il déclaré à l’AFP.

Le 12 avril, le Parlement a voté une loi prolongeant de deux ans le mandat du président « Farmajo », qui a expiré le 8 février sans que des élections puissent être organisées, dans un pays dont une partie échappe au contrôle des autorités centrales, lesquelles doivent composer notamment avec de puissants dirigeants de régions semi-autonomes.

« Prendre la présidence »

En 1991, la chute du régime militaire de Siad Barré avait précipité la Somalie dans une guerre des clans, dont les milices se sont notamment affrontées durant des années dans les rues de Mogadiscio même.

La plupart des acteurs politiques somaliens disposent de combattants et d’armes.

Le pays, longtemps privé de gouvernement central, est également confronté depuis plusieurs années à la rébellion islamiste des shebab, affiliés à Al-Qaïda. Ceux-ci ont un temps contrôlé la capitale avant d’en être chassés en 2011 par une force de l’Union africaine (UA), mais ils contrôlent toujours de larges portions de territoire et commettent régulièrement des attentats à Mogadiscio.

Il n’était pas possible de savoir dans l’immédiat si ces confrontations ont fait des victimes.

Abdulkadkir Mohamed Warsame, un commandant militaire loyal à l’ancien premier ministre Hassan Ali Khair, a affirmé lundi à l’AFP avoir pris le contrôle du district de Hawle Wadag, dans le centre de la capitale.  

« Maintenant nous voulons prendre le contrôle de la présidence. Nous n’allons pas le laisser en paix », a-t-il ajouté, à propos de « Farmajo ». « Il veut rester au pouvoir par la force, nous sommes contre ça, nous continuerons à nous battre jusqu’à ce qu’il parte ».

Habitants en fuite

À Bermudo, dans le sud de la ville, des témoins ont rapporté que des habitants quittaient leur foyer.

« Les gens ont commencé à fuir la zone de Bermudo, où les combattants pro-opposition ont pris position la nuit dernière, la situation est tendue et il peut y avoir des confrontations armées à tout moment si la situation reste la même », a déclaré Fadumo Ali, un habitant.

Des habitants appelaient les deux camps à arrêter les combats et se plaignaient de coupures d’électricité et d’eau.  

Dimanche, l’ancien président Hassan Sheik Mohamud, prédécesseur de « Farmajo » et figure de l’opposition, a déclaré que sa propre maison avait été visée par des « forces loyales » à l’actuel chef de l’État, mais cette information a été démentie par des témoins et par le gouvernement.

Écoles et universités étaient fermées lundi, mais la vie semblait mener son cours normal dans les quartiers de Mogadiscio non touchés par les violences.

Lundi matin, le premier ministre Mohamed Hussein Roble s’est dit « profondément attristé par la tragédie qui a perturbé la sécurité dans la capitale », appelant les forces armées à « respecter leur engagement » et à « protéger » les habitants de Mogadiscio.  

Dans un communiqué lundi, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est dit « profondément préoccupé » par les affrontements récents. Il « exhorte toutes les parties prenantes somaliennes à reprendre des négociations immédiatement » pour sortir de la crise, précise son communiqué.

L’UA a condamné vendredi l’extension du mandat de Farmajo tandis que le Conseil de sécurité de l’ONU avait appelé le même jour les parties à « rejeter la violence et reprendre le dialogue de toute urgence et sans condition préalable ».

Le département d’État américain a également exprimé son inquiétude, précisant qu’il était « prêt à envisager tous les instruments disponibles, y compris les sanctions et restrictions en matière de visas », afin de contrer l’instabilité de la situation en Somalie.