(Khartoum) Au moins quarante personnes ont été tuées et 58 blessées dans des affrontements tribaux depuis samedi à El-Geneina, capitale du Darfour-Ouest, où l’état d’urgence a été décrété lundi soir dans cette région troublée de l’ouest du Soudan.

« Depuis le 3 avril, 40 personnes ont été tuées dans les récents affrontements entre les Al-Massalit et les tribus arabes. La situation reste tendue dans la ville d’El-Geneina », a indiqué le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) dans un communiqué.

« La commission de l’aide humanitaire du gouvernement signale […] 58 blessés », a-t-elle ajouté.

Plus tôt dans la journée, le Comité central des médecins soudanais, un organisme fondé en 2016 pour représenter la communauté médicale, avait annoncé un bilan provisoire de 18 morts et 54 blessés.

Le Conseil de défense et de sécurité, plus haute instance de sécurité du pays, a annoncé dans un communiqué lundi soir l’instauration de « l’état d’urgence dans l’État du Darfour-Ouest » et le déploiement de « forces régulières ».  

En fin d’après-midi, on pouvait encore « entendre des coups de feu » notamment dans les quartiers de Hay al-jabal et Al-Jamarik, selon l’ONU.

Des témoins ont indiqué à l’AFP que des affrontements continuaient à 15 h locales (13 h GMT).

« Nous sommes restés chez nous, mais nous entendons des coups de feu proches et une grenade a atterri dans la maison de notre voisin », a raconté par téléphone Adam Issa, habitant du sud-ouest d’El-Geneina.

« J’habite dans la partie est de la ville et je vois un nuage de fumée recouvrir les quartiers ouest, sud et le sud-ouest », a raconté Saleh Issa, un autre témoin.

Vols suspendus

« Certains habitants de ces quartiers […], dont une majorité de femmes et d’enfants, ont fui » vers l’est, a-t-il ajouté.

Des affrontements tribaux ont déjà eu lieu en janvier au Darfour, faisant plus de 200 morts, un peu plus de deux semaines après la fin de la mission de paix conjointe de l’ONU et de l’Union africaine (Minuad). El-Geneina avait payé le plus lourd tribut avec plus d’une centaine de morts, 132 blessés et 108 000 personnes déplacées, selon OCHA.

Les « opérations humanitaires et les vols ont été suspendus » jusqu’à nouvel ordre dans la ville, qui représente une plaque tournante de l’aide humanitaire dans la région, affectant « plus de 700 000 personnes », a indiqué l’ONU.

Selon la même source, les derniers heurts ont démarré après que deux personnes sont mortes et deux autres ont été blessées lorsqu’un homme a tiré sur des membres de la tribu des Al-Massalit qui remorquaient samedi leur voiture jusqu’à El-Geneina.

Le conflit au Darfour a éclaté en 2003 entre des forces du régime de l’ex-président Omar el-Béchir, destitué en avril 2019 sous la pression de la rue, et des membres de minorités ethniques s’estimant marginalisées.  

Les violences ont fait quelque 300 000 morts et plus de 2,5 millions de déplacés, essentiellement durant les premières années du conflit, selon l’ONU.

Le gouvernement de transition, mis en place après la chute d’Omar el-Béchir, a signé en octobre un accord de paix avec plusieurs groupes rebelles, notamment du Darfour. Mais certains groupes insurgés de cette région n’ont pas signé cette paix.

Le ministre de la Défense Yassine Ibrahim a annoncé lundi soir « la formation d’une haute commission » chargée de « traiter les violations » de cet accord.