(Nouakchott) L’ex-président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, tombé en disgrâce, a été entendu mercredi par le procureur, à la suite d’une kyrielle de hauts personnages cités dans vaste enquête sur des faits de corruption présumés commis sous ses mandats, selon une source judiciaire.

M. Aziz « est arrivé au palais de justice dans un car de police sous haute escorte et a été introduit chez le procureur Ahmedou Ould Abdallahi », a indiqué cette source ayant requis l’anonymat en raison de la confidentialité des investigations et de la sensibilité de l’affaire.

Aucune information n’a été communiquée publiquement sur les suites que pourrait avoir cette audition et sur une éventuelle inculpation.

« Il s’agit de traîner tout un système et ses hommes devant la police et de souiller leur honneur », s’est ému dans un communiqué le collectif d’avocats qui défend l’ancien président, assurant que celui-ci était « protegé » par la Constitution.  

M. Aziz fait partie de dizaines de personnalités de l’État ou des affaires convoquées depuis mardi par la police à Nouakchott pour être présentées à tour de rôle au procureur.

Mardi, ils ont été une trentaine à attendre leur tour, a rapporté un responsable policier.

Parmi eux figuraient deux anciens premiers ministres, onze anciens ministres, plusieurs directeurs d’établissements publics et des hommes d’affaires, a-t-il dit.

Des dizaines, « voire des centaines » de personnes sont concernées par le dossier, a dit un responsable policier sans préciser si toutes seraient convoquées.

Une dizaine d’entre elles ont déjà été entendues par le parquet mardi soir et remises à la police en attendant la décision du procureur qui « doit auditionner tout ce beau monde avant de se prononcer sur leur cas, de façon individuelle », a indiqué un responsable judiciaire.

La décision du procureur est attendue rapidement après la fin des auditions dans les prochains jours.

La justice est saisie depuis août 2020 du rapport d’une commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur des faits présumés de corruption et de détournement de fonds publics pendant les plus de dix années de pouvoir de M. Ould Abdel Aziz (2008-2019).

La commission s’est penchée sur plusieurs aspects : gestion des revenus pétroliers, vente de domaines de l’État, liquidation d’une société publique assurant l’approvisionnement du pays en denrées alimentaires ou activités d’une société chinoise de pêche.

Arrivé au pouvoir par un coup d’État militaire, M. Ould Abdel Aziz a été élu en 2009 et réélu en 2014 président de ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest de 4,5 millions d’habitants. Son ancien chef de cabinet et ministre, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, son dauphin, lui a succédé en 2019.

Sous la présidence de M. Ghazouani pourtant, l’ex-président a perdu en décembre 2019 la direction de l’Union pour la République (UPR), parti qu’il a fondé. En août 2020, il a été interrogé plusieurs jours par les policiers et est ressorti privé de son passeport.

Un juge doit se prononcer le 18 mars sur un recours de M. Ould Abdel Aziz contre l’interdiction qui lui a été signifiée de sortir de Nouakchott.

Il crie au « règlement de comptes ». Son successeur a constamment invoqué l’indépendance de la justice.

M. Ould Abdel Aziz a pour le moment gardé le silence lors des interrogatoires.

Il « s’attache toujours à l’immunité que lui accorde la Constitution en tant qu’ancien président » et il « continuera de refuser de répondre aux questions ou de signer quoi que ce soit », a dit à l’AFP l’un de ses avocats, Me Mohameden Ould Icheddou.